Les prêts à la Chine de la Banque asiatique de développement (ADB) sont « sur la pente déclinante » et pourraient arriver « un jour à zéro », a affirmé son président dans un entretien à l’AFP, après que les Etats-Unis ont appelé l’institution économique à diminuer ses financements à la deuxième économie mondiale.
En pleine confrontation commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, le secrétaire au Trésor Scott Bessent a appelé en avril le patron de l’ADB à prendre des mesures afin de diminuer ses prêts à la Chine, deuxième économie mondiale et adversaire américain, et tendre vers un arrêt.
« Nous sommes déjà sur une trajectoire déclinante. En 2020 nous avons prêté à la Chine 2 milliards (de dollars). L’an dernier un milliard. Donc nous diminuons drastiquement », a affirmé Masato Kanda, au cours d’un entretien accordé à un journaliste de l’AFP vendredi.
« Probablement, je ne peux pas le promettre, mais cette trajectoire déclinante continuera et sera un jour à zéro », a poursuivi le dirigeant de la banque, qui rappelle toutefois que « cela dépend des discussions entre les actionnaires et le conseil des gouverneurs » de l’ADB.
– Actionnaires clés de l’ADB –
Les Etats-Unis et le Japon sont les plus gros actionnaires de la banque de développement (15,6%), suivis par la Chine (6,4%), l’Inde (6,3%) et l’Australie (5,8%), selon des statistiques de l’institution arrêtées au 31 décembre 2023.
« Ce n’est en fait pas la première fois », que les Etats-Unis formulent cette demande, a précisé M. Kanda, « les États-Unis et d’autres pays ont constamment demandé à l’ADB et à d’autres institutions de réduire, voire d’arrêter leurs prêts à la Chine, même sous l’administration Biden« .
« Il s’agit probablement de l’un des rares programmes qui transcende les clivages au sein du Congrès américain », selon lui, à l’heure où Donald Trump a poussé le bras de fer avec la Chine a un niveau inédit en augmentant drastiquement les droits de douane sur les produits importés.
Le président américain a aussi engagé un réexamen des participations américaines dans les instances multilatérales.
« Je n’ai jamais entendu les États-Unis parler de prendre leurs distances par rapport à l’ADB », a affirmé M. Kanda. « Je m’efforce de tenir compte des souhaits des Etats-Unis », a-t-il ajouté.
Ces derniers snobent cette semaine une conférence sur le financement du développement organisée à Séville sous l’égide de l’ONU, un nouveau symbole de l’érosion de la coopération mondiale dans la lutte contre la faim, les maladies et le changement climatique après déjà de vastes coupes budgétaires américaines plus tôt cette année.
– Multilatéralisme menacé –
L’Allemagne, la Grande-Bretagne et la France ont également réduit leur aide au développement tout en augmentant leurs dépenses dans des domaines tels que la défense.
L’année dernière, les pays riches se sont engagés à verser 300 milliards de dollars par an d’ici 2035 aux pays pauvres pour lutter contre le changement climatique, loin des 1.300 milliards de dollars dont ils auraient besoin selon des experts mandatés par l’ONU.
Les bailleurs de fonds multilatéraux sont donc contraints d’accroître le financement de projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et à préparer les pays en développement aux catastrophes.
En septembre, l’ADB s’est engagée à consacrer la moitié de ses prêts annuels au financement de la lutte contre le changement climatique d’ici à 2030, et M. Kanda a jugé probable que ce chiffre augmente avec le temps.
Il a toutefois relevé que la banque devait faire face à des vents contraires à une coopération mondiale sans précédent depuis des décennies.
« Non seulement le multilatéralisme mais aussi les valeurs idéalistes sont désormais menacés. Ce n’est pas un phénomène de court terme, c’est assez universel », a-t-il toutefois affirmé. « Tant que nous n’améliorerons pas la racine de cette situation, cela ne sera pas facile. »
Source : Agence France-Presse