pixel

Le ferry d’Istanbul, transport amoureux entre deux continents

Date:

Pages jaunes
Trans Afrique

Le ferry d’Istanbul sur le Bosphore glisse chaque jour sur les eaux bleues. C’est une image familière de la ville. Malgré les ponts et les métros, il résiste. Même si le trafic maritime s’intensifie, il garde sa place dans le quotidien des habitants.

Depuis près de deux siècles, les « vapurs » assurent un trait d’union iconique dans la mégapole turque, à cheval entre l’Asie et l’Europe, à au moins 40 millions de passagers annuels pour la principale compagnie, Sehir Hatlari (863 liaisons quotidiennes).

« Toute vue d’Istanbul doit montrer la tour de Léandre (qui gardait autrefois l’entrée du Bosphore, ndlr), un ferry et une mouette », sourit Adil Bali, spécialiste de l’histoire des vapurs stambouliotes. « C’est l’une des rares villes traversées par la mer, les ferries y sont indispensables ».

Leur apparition en 1843, 130 ans avant qu’un premier pont n’enjambe le Bosphore, a transformé de simples villages de pêcheurs en lieux de villégiatures courus, suscité la construction de palais de bois le long de l’eau et activé le commerce sur ce bras de mer.

Aux commandes du Pasabahçe (le Jardin du Pacha), fleuron des trente bâtiments de la compagnie Sehir Hatlari, le capitaine Ekrem Özçelik a vu le trafic croître.

« Moins de passagers mais plus de monde sur l’eau », résume-t-il: des ferries, des porte-conteneurs et des cargos qui relient la mer Noire à l’Egée via les Dardanelles. Plus les paquebots, les croisières et les yachts.

– Vent et courants –

Selon les autorités, 41.300 bâtiments ont transité en 2024 sur le Bosphore, l’une des voies navigables les plus fréquentées au monde. Soit 113 par jour en moyenne, sans compter les plaisanciers, parfois peu au fait des difficultés de navigation.

« Piloter dans les eaux d’Istanbul demande une certaine expérience », glisse le capitaine. Surtout les jours de Lodos, le vent du sud qui soulève des vagues de deux, trois mètres à rebours du courant dominant.

Enfant du Bosphore. Fils et petit-fils de marins et de pêcheurs. Gamin, il rêvait de l’uniforme blanc et de la casquette de capitaine. À 52 ans, il savoure la liberté de la navigation. Il aime l’aura du métier. « Être capitaine au cœur d’Istanbul, c’est une grande fierté. C’est unique au monde. »

Surtout à bord du Pasabahçe, sauvé de justesse du désarmement et remis à flots à 70 ans, en 2022, appuie son second, Semih Aksoy, 36 ans: « Il est plus difficile que les autres à manoeuvrer, plus lourd. On le dit +muet+: les virages sont compliqués. »

Il ne changerait de navire pour rien au monde. Ses trois ponts et ses guéridons en bois rappellent les premières classes d’autrefois. « Ce navire a une beauté unique, une atmosphère particulière », insiste-t-il. Depuis la tourelle, il réprimande un père dont la fillette se balance sur le bastingage.

« Certains s’installent carrément dans les canots de sauvetage! », assure-t-il.

– Scooters des mers –

C’est aussi la tâche de Burak Temiz de tempérer la frénésie des passagers qui se ruent pour gagner les ponts. Campé au milieu des cordages, le marin de 24 ans guette le signal du capitaine pour abaisser sa passerelle en surveillant l’accostage.

Son trajet d’une vingtaine de minutes est l’un des plus fréquentés, entre Kadiköy (Asie) et Besiktas (Europe). Des scooters des mers viennent de frôler l’étrave du ferry.

« Cet été, des gens sautaient dans l’eau depuis la tour de Léandre, ça a duré des heures. Et puis il y a les filets des pêcheurs ».

Chaque ferry embarque six marins, dont deux mécaniciens. Le Pasabahçe en compte neuf. Aux 53 embarcadères, d’autres équipiers s’activent. Ensemble, ils forment un peuple de marins. Les habitués les reconnaissent, les saluent.

Ibrahim Bayus a 62 ans. Ingénieur de formation, il a vu le jour à Büyükada, la plus vaste des îles des Princes, en mer de Marmara. Il sourit en se souvenant : « Gamin, j’oubliais souvent mon porte-monnaie. » Mais le capitaine me connaissait. »

La navigation est assurée toute l’année, sauf violente tempête, neige ou brouillard. Et encore.

Le capitaine se souvient, un jour de mauvais temps à Büyükada, avoir vu accourir trois étudiants: « Le trafic était suspendu. Ils m’ont dit que s’ils ne pouvaient passer leurs examens, leur année serait perdue. J’ai pris l’initiative de les conduire à Kadiköy. Tous ont réussi. L’un est avocat, l’autre vétérinaire ». Et continuent de lui rendre visite.

Source : Agence France-Presse

- Pub -
Pages jaunes

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Partager :

spot_imgspot_img

Populaires

Dans la même catégorie
Associé

750 ans d’Amsterdam, capitale vibrante en proie au tourisme de masse

Lundi, Amsterdam a refermé un cycle : 750 ans...

À Bombay, le plus grand bidonville d’Asie est à vendre

Avis d’expulsion : à Dharavi, la marque rouge au...

Guyana: une route au milieu de nulle part pour développer le pays

"The trail", la piste: c'est le surnom de la...

Dans la capitale nigériane, les randonneurs défient l’insécurité

Dans une zone en chantier poussiéreuse à la périphérie...