Nicolas Sarkozy va aller en prison, condamné pour association de malfaiteurs, coupable d’un délit commis « contre la Nation, contre l’État, contre la République », selon le jugement rendu jeudi par le tribunal correctionnel de Paris.
Certes, les juges l’ont relaxé des faits de corruption et de recel de détournement de fonds publics étrangers. Ils ont aussi estimé que la démonstration n’avait pas été faite d’un financement effectif par la Libye de Mouammar Kadhafi de sa campagne présidentielle victorieuse de 2007.
Le tribunal tranche sans ambiguïté. Il y a bien eu pacte de corruption. Le financement illicite ne relève pas de la spéculation. Il se trouve au cœur de deux réunions secrètes à Tripoli. Claude Guéant y participe à l’automne 2005. Brice Hortefeux le rejoint à la fin de la même année. Tous deux rencontrent Abdallah Senoussi, haut dignitaire du régime libyen. Ces échanges, discrets mais décisifs, scellent les bases d’un pacte politique et financier.
Le tribunal insiste sur les liens étroits. Nicolas Sarkozy entretenait une proximité personnelle et professionnelle avec ses envoyés. Claude Guéant et Brice Hortefeux ne pouvaient agir sans l’en informer. Selon la présidente Nathalie Gavarino, ils ont nécessairement rendu compte de leurs échanges. Dès lors, Nicolas Sarkozy dissimule lui aussi ces discussions au tribunal. Autrement dit : l’omission devient complicité.
– Un pacte orchestré, aux conséquences politiques et mémorielles –
Que le pacte ait été ourdi, voilà ce qui compte, qu’il ne se soit pas matérialisé importe finalement peu. Les faits tombent sous le coup de l’association de malfaiteurs, « groupement formé ou entente établie en vue de la préparation » de délits, et sont passibles de dix ans d’emprisonnement pour les faits visés, soit le maximum en matière correctionnelle.
Le tribunal est catégorique. Nicolas Sarkozy n’a pas agi seul. Il a laissé ses collaborateurs et soutiens politiques, placés sous son autorité, solliciter les autorités libyennes. Objectif : obtenir — ou tenter d’obtenir — un soutien financier. Ces démarches, menées en son nom, s’inscrivent dans une logique de pacte corruptif. Autrement dit : l’initiative n’était pas isolée, elle était orchestrée.
En échange du soutien financier, les Libyens attendaient un geste fort. Ils voulaient un engagement politique. Celui de Nicolas Sarkozy, qu’ils voyaient déjà comme futur président. Leur demande : absoudre Abdallah Senoussi.
Cet homme avait été condamné à la perpétuité pour l’attentat du DC10 d’UTA. Un attentat qui avait fait 170 morts, dont 54 Français. Autrement dit : le pacte allait bien au-delà du financement. Il touchait à la mémoire nationale et à la justice internationale.
– « Altérer la confiance » citoyenne –
Les rencontres avec Abdallah Senoussi ont eu lieu malgré les alertes des renseignements français. À cette époque, Nicolas Sarkozy n’avait aucune garantie. Il ignorait s’il serait le candidat officiel de l’UMP à la présidentielle de 2007. Il ne savait pas non plus s’il bénéficierait du financement du parti, indispensable pour se lancer.
Ce soutien, il ne l’obtiendra que plusieurs mois plus tard. Et seulement après avoir écarté son rival, Dominique de Villepin. Autrement dit : l’incertitude politique et financière pesait lourd. Elle éclaire les démarches entreprises en Libye.
À l’automne 2005, Nicolas Sarkozy se rend à Tripoli. Les dignitaires libyens ne l’accueillent pas comme simple ministre. Selon la magistrate, ils ont le sentiment de recevoir le futur candidat. Voir le potentiel futur président de la République. Cette perception donne un poids politique aux échanges. Elle éclaire les démarches financières qui suivront.
La magistrate est formelle. Cette association de malfaiteurs visait un objectif précis. Préparer une corruption au plus haut niveau possible. Une fois élu président de la République. Or, le chef de l’État est garant du respect de la Constitution. C’est ce rappel que Nathalie Gavarino adresse à Nicolas Sarkozy, debout à la barre. Autrement dit : le pacte ne menaçait pas seulement la loi, mais l’équilibre républicain lui-même.
La magistrate ne laisse aucun doute. L’association de malfaiteurs visait un objectif précis : vous procurer un avantage. Un avantage pour accéder aux plus hautes fonctions de l’État. Ce pacte, ourdi en marge des institutions, a causé un trouble exceptionnel. Il porte atteinte à la confiance des citoyens. Il altère l’image même des institutions républicaines. Autrement dit : la gravité dépasse les faits, elle touche à l’intégrité démocratique.
– Une posture de déni face à des faits d’une gravité exceptionnelle –
Le tribunal a décidé l’incarcération de Nicolas Sarkozy. Cette décision dépasse les réquisitions du parquet national financier. Elle s’explique par deux éléments. D’abord, la particulière gravité des faits. Ensuite, l’attitude de l’ancien président. Il peine à reconnaître la réalité des infractions. Il minimise ce qui lui est reproché. Pour les juges, cette posture justifie une peine ferme.
Lors du procès début 2025, Nicolas Sarkozy a minimisé sa précédente condamnation. À l’audience, il a affirmé qu’il n’y avait eu aucun échange d’argent dans l’affaire des écoutes. Pourtant, cette affaire lui vaut une peine définitive de trois ans d’emprisonnement, dont un an ferme.
Le tribunal a dû lui rappeler que les faits relevaient bien de la corruption. Autrement dit : l’absence de transaction financière ne suffit pas à effacer l’infraction. « Le tribunal a dû vous rappeler que ces faits portaient sur la corruption », a asséné Nathalie Gavarino.
Le tribunal a écarté l’infraction de corruption. Motif : Nicolas Sarkozy n’agissait pas en tant que ministre de l’Intérieur. Il agissait comme candidat potentiel — ou déjà avéré. Cette posture ne lui conférait pas la qualité de dépositaire de l’autorité publique. Or, cette qualité est indispensable pour que l’infraction soit constituée. Autrement dit : le statut politique ne suffisait pas à fonder la qualification pénale.
Source : Agence France-Presse