Un collectif du nord du Cameroun a appelé vendredi à « tourner la page » du régime de Paul Biya à la présidentielle d’octobre, en dénonçant « l’état de délabrement avancé » de plusieurs régions, dont la leur, dans un appel relayé sur les réseaux sociaux.
Cet appel signé par d’anciens militants politiques et des membres de la société civile, tous originaires du nord, intervient à huit mois du scrutin présidentiel, alors que le chef de l’Etat, âgé de 92 ans, dont 42 ans au pouvoir, n’exclut pas de briguer un huitième mandat.
Le nord est traditionnellement favorable au gouvernement en place, comme le montrent les résultats officiels des précédentes élections. Le RDPC au pouvoir y a scellé des alliances avec plusieurs partis de la région dont les leaders ont pourtant, parfois, dénoncé la marginalisation.
L’appel lancé par les « Partisans du Changement Grand Nord » appelle à « fédérer toutes les énergies susceptibles de permettre au Cameroun de tourner (…) la page » avant de dérouler une longue liste de maux: « pauvreté endémique, famine, maladies », désagrégation du tissu économique, « insécurité structurelle », « rareté de l’eau potable et de l’électricité », « abandon des programmes de lutte contre la désertification ».
« Si on ne bouge pas, rien ne va changer. Il ne s’agit pas seulement de changer le nord qui d’ailleurs appartient à tout le pays; mais changer le Cameroun entièrement », a déclaré à l’AFP un des signataires, le consultant en management Paul Samangassou, en soulignant que le but était de mobiliser au delà du simple cadre régional.
Depuis 2019, l’Extrême-Nord, région la plus pauvre, est officiellement l’une des trois régions économiquement sinistrées (avec le Nord-Ouest et le Sud-Ouest anglophones en proie à des violences armées sécessionnistes). Ses habitants subissent depuis 2009 des attaques des jihadistes de Boko Haram ou de l’Etat Islamique en Afrique de l’Ouest (ISWAP).
Depuis fin 2016, un conflit meurtrier oppose des groupes armés indépendantistes aux forces de sécurité dans deux régions anglophones de l’ouest.
La gestion autocratique du président Paul Biya s’est durcie après sa dernière élection très contestée en 2018, marquée notamment par une répression féroce de toute opinion dissonante, selon les défenseurs des droits humains.
L’ONG Human Rights Watch a récemment pointé « le contexte de répression gouvernementale croissante contre l’opposition et la dissidence depuis le milieu de l’année 2024 avant l’élection présidentielle ».
Dans ce contexte, le pouvoir redoute peu une opposition atomisée qui a commencé à se mobiliser en vue du scrutin.
Source: Agence France-Presse