Le Nobel d’économie 2025 a été décerné lundi à l’Américano-israélien Joel Mokyr, au Français Philippe Aghion et au Canadien Peter Howitt pour leurs travaux sur l’impact de l’innovation sur la croissance économique.
Dans sa première prise de parole en tant que prix Nobel, M. Aghion a exhorté l’Europe à investir dans l’innovation pour ne pas se laisser décrocher par la Chine et les États-Unis.
Le comité a attribué la moitié du prix à Joel Mokyr, 79 ans, « pour avoir identifié les conditions préalables à une croissance durable grâce au progrès technologique ».
L’autre moitié récompense à la fois Philippe Aghion, 69 ans, et Peter Howitt, 79 ans, « pour leur théorie de la croissance durable à travers la destruction créatrice ».
– Innovation, histoire et destruction créatrice –
Au cours des deux derniers siècles et pour la première fois dans l’histoire, le monde a connu une croissance économique soutenue et les lauréats 2025 ont expliqué comment l’innovation en était à l’origine et fournissait l’élan nécessaire à une croissance durable, a expliqué le président du comité pour le prix des sciences économiques, John Hassler.
D’un côté, Joel Mokyr « a utilisé des sources historiques comme moyen pour découvrir les causes de la croissance soutenue, devenue la nouvelle norme », a relevé le jury.
L’historien de l’économie, spécialiste de la période 1750-1914, a dit sa « surprise totale » de se voir attribuer cette récompense, dans un entretien avec la fondation Nobel.
« J’avais toute une liste de personnes que je pensais voir gagner, et je n’en faisais pas partie », a ajouté le professeur émérite à l’Université Northwestern (États-Unis).
De leur côté, Philippe Aghion, professeur au Collège de France, et Peter Howitt, professeur à l’Université Brown aux États-Unis, ont ensemble examiné le concept de « destruction créatrice », qui fait référence à la manière dont les entreprises vendant des produits établis pâtissent de l’introduction d’un produit nouveau et meilleur sur le marché.
« Ce processus est créatif car il repose sur l’innovation, mais il est également destructeur car les produits plus anciens deviennent obsolètes et perdent leur valeur commerciale », a écrit le jury.
« Les travaux des lauréats nous rappellent que nous ne devons pas considérer le progrès comme acquis », a dit Kerstin Enflo, professeur d’histoire économique et membre du comité Nobel, en présentant le prix.
– L’Europe à la traîne –
« L’ouverture est un moteur de croissance, tout ce qui entrave l’ouverture est un obstacle à la croissance », a insisté Philippe Aghion, à l’annonce du prix, au moment où les États-Unis ont entrepris de relever leurs droits de douane.
Il a mis en garde l’Europe, estimant que ce continent ne devait pas laisser les États-Unis et la Chine « devenir les leaders technologiques », au risque de voir l’écart de croissance se creuser encore plus avec ces deux pays.
« Après une période de rattrapage de l’Europe par rapport aux États-Unis en termes de PIB par habitant entre la Seconde Guerre mondiale et le milieu des années 80 », l’écart s’est à nouveau creusé, a noté l’économiste français.
« Nous sommes restés cantonnés à des avancées technologiques moyennes (…) car nous ne disposons pas de politiques et d’institutions adéquates pour innover dans le domaine des hautes technologies », a dit M. Aghion, également professeur à la London School of Economics et à l’Insead.
Le lauréat 2025 a aidé Emmanuel Macron à préparer son programme économique, avant de critiquer en 2024 « une dérive vers la droite » et un pouvoir « vertical ».
Sur X, le président français l’a félicité, estimant qu' »il éclaire l’avenir et prouve que la pensée française continue d’éclairer le monde ».
– Racines du progrès –
De son côté, l’économiste canadien Peter Howitt a plaidé pour une régulation de l’intelligence artificielle. « L’IA est bien sûr une technologie formidable, qui peut permettre de faire de grandes choses, mais qui porte aussi indéniablement en elle la promesse de destruction d’emplois », a prévenu celui qui a obtenu son doctorat en 1973 à l’université Northwestern aux États-Unis.
En 2019, il avait reçu le prix Frontiers of Knowledge de la Fondation BBVA avec Philippe Aghion, pour leurs contributions fondamentales à l’étude de l’innovation, du changement technique et de la politique de la concurrence.
Joel Mokyr, né aux Pays-Bas, mène des recherches sur l’histoire économique de l’Europe.
Le Nobel consiste en un diplôme, une médaille d’or et un chèque de 11 millions de couronnes suédoises (près d’un million d’euros), dont Joel Mokyr reçoit une moitié tandis que Philippe Aghion et Peter Howitt se partagent l’autre. Il est remis le 10 décembre.
Source: Agence France-Presse