Un livre blanc sur le massacre de Thiaroye a été remis jeudi au président sénégalais. En 1944, des tirailleurs africains, réclamant leurs soldes, ont été abattus par l’armée française près de Dakar. Ce document marque, selon Bassirou Diomaye Faye, une « étape décisive » dans la réhabilitation de la vérité historique. Ainsi, le Sénégal avance sur l’un des derniers dossiers mémoriels encore ouverts entre Paris et Dakar.
« Cette cérémonie ne commémore pas. Elle affirme une vérité.» Le président Bassirou Diomaye Faye a pris la parole lors de la remise du Livre blanc sur le massacre de Thiaroye. Un comité de chercheurs a rédigé ce document, présenté jeudi devant le Premier ministre Ousmane Sonko et plusieurs membres du gouvernement. Ainsi, l’État sénégalais affirme sa volonté de vérité historique et de justice mémorielle. Ainsi, l’État sénégalais transforme un souvenir douloureux en acte politique.
« Le Livre blanc constitue une étape décisive dans la réhabilitation de la vérité historique », a-t-il estimé.
Le président Faye a salué le travail du comité. Il les a remerciés pour avoir aidé la Nation à mieux explorer son passé. Il a aussi souligné l’ouverture de nouveaux espaces de collaboration avec les pays liés à cette histoire tragique. Ainsi, le Livre blanc dépasse le cadre national : il devient un pont mémoriel.
– Le massacre de Thiaroye réclame justice –
Le 1er décembre 1944, à l’aube, le camp militaire de Thiaroye s’est transformé en champ de tir. Des troupes coloniales et des gendarmes français ont ouvert le feu. L’ordre venait de leurs officiers. Les cibles : des tirailleurs rapatriés d’Europe. Leurs voix s’élevaient pour réclamer les soldes dus. Les balles françaises ont fauché des tirailleurs venus du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, de la Haute-Volta et de la Guinée. Ainsi s’est scellé l’un des massacres les plus occultés de l’histoire coloniale française.
Le traumatisme lié à cette tuerie et son souvenir sont toujours vifs au Sénégal et sur le continent africain.
De nombreuses zones d’ombre subsistent sur ses circonstances, le nombre des tirailleurs tués, leur identité, le lieu de leur inhumation.
En avril 2024, les autorités sénégalaises, qui se réclament du souverainisme, avaient mis en place ce comité de chercheurs.
Les autorités sénégalaises ont remis jeudi le Livre blanc au président Faye et à plusieurs membres du gouvernement, sans en dévoiler pour l’instant le contenu.
L’administration impériale a créé le corps des Tirailleurs sénégalais sous le Second Empire. Elle l’a dissous dans les années 1960. Il regroupait des soldats venus des colonies françaises d’Afrique : Sénégal, Soudan (Mali), Haute-Volta (Burkina Faso), Côte d’Ivoire. Ces hommes ont combattu sous le drapeau français. Ainsi s’est formée l’« Armée noire », pilier des guerres coloniales et mondiales.
– « Amertume » –
Le terme de « tirailleur sénégalais » a fini par désigner l’ensemble des soldats d’Afrique qui se battaient sous le drapeau français. Ils ont participé aux deux Guerres mondiales et aux guerres de décolonisation.
Début novembre 1944, environ 1 300 tirailleurs africains embarquent en France. Ils sont d’anciens prisonniers de guerre, capturés par les Allemands après les combats de 1940. Ils sont renvoyés par bateau à Dakar. À leur arrivée, ils sont regroupés au camp militaire de Thiaroye. Ainsi commence l’ultime affrontement : celui pour leur solde, celui contre l’oubli.
Deux semaines après leur arrivée, les tirailleurs se révoltent. Ils dénoncent le retard du paiement de leurs soldes. Plusieurs refusent de rentrer chez eux sans être payés. Le camp de Thiaroye devient un lieu de tension. Ainsi débute l’affrontement entre mémoire et mépris.
L’armée coloniale les a souvent enrôlés de force. Après avoir combattu en Europe ou survécu aux prisons allemandes et françaises, elle les a rapatriés en Afrique. Ils réclamaient leurs soldes. Des arriérés dus depuis des mois. Mais surtout, ils exigeaient le respect. Un traitement égal. L’historien Mamadou Diouf l’a rappelé jeudi, lors de la cérémonie. Ainsi, le Livre blanc redonne voix à leur combat.
– Dakar exhume les vérités que Paris tarde à livrer –
Selon le bilan dressé par les autorités françaises à l’époque, au moins 35 tirailleurs avaient trouvé la mort.
Plusieurs historiens avancent un nombre de victimes bien plus élevé, jusqu’à 400.
Depuis début mai, des fouilles archéologiques ont été menées à Thiaroye. Ordonnées par l’État sénégalais, elles ont révélé des squelettes humains. Des balles étaient encore logées dans les corps. L’AFP a confirmé cette découverte début juin. Ainsi, la vérité enfouie refait surface.
Jeudi, le président sénégalais a annoncé avoir validé la « poursuite des fouilles archéologiques sur tous les sites susceptibles d’abriter des fosses communes ». « La vérité historique ne se décrète pas, elle se découvre excavation après excavation, jusqu’à la dernière pierre soulevée », a-t-il martelé.
En novembre 2024, Emmanuel Macron a reconnu un fait longtemps nié. Les forces coloniales françaises ont commis un massacre à Thiaroye. Cette déclaration intervient à la veille du 80e anniversaire des événements. Ainsi, la France rompt avec des décennies de silence officiel.
Le président Faye a exprimé son amertume. Jeudi, il a regretté le manque de coopération de la France. Les archives sur Thiaroye restent incomplètes. La République française n’a pas répondu aux attentes. Ainsi, le Sénégal poursuit seul sa quête de vérité.
Malgré les réserves, le président Faye reste ferme. Il affirme la détermination du Sénégal à faire toute la lumière sur Thiaroye. La collaboration avec la France se poursuit. Ainsi, la quête de vérité ne fléchit pas.
Source: Agence France-Presse
