Madagascar, mardi. Les militaires annoncent : ils prennent le pouvoir. Ils mettent fin, de fait, à la présidence d’Andry Rajoelina. Ce dernier avait déjà accédé au pouvoir par un coup d’État en 2009. Encore une fois, l’armée tranche. Encore une fois, la rue précède les casernes. Et cette fois, la contestation vise un président réélu mais contesté. Le scénario se répète. Mais la tension monte.
L’armée prend position. Devant le palais présidentiel d’Antananarivo, une unité militaire rallie la contestation. Elle annonce son soutien juste après le vote de destitution du président. Andry Rajoelina, présumé en fuite, n’est plus aux commandes. L’île, l’une des plus pauvres de l’océan Indien, entre dans une nouvelle zone de turbulences. Et cette fois, les militaires ne restent pas neutres.
Le ton est donné. « On prend le pouvoir dès aujourd’hui.» Le colonel Michael Randrianirina annonce : le Sénat et la Haute Cour constitutionnelle sont dissous. L’Assemblée nationale, elle, reste en place. La déclaration est faite devant le palais présidentiel, au cœur d’Antananarivo. L’armée ne négocie plus. Elle tranche.
La place du 13 mai s’embrase. Concerts, drapeaux, cris de victoire. La foule célèbre la chute du pouvoir. Ce lieu, marqué par le sang de 1972, redevient le théâtre de la rupture. La jeunesse danse là où l’histoire a déjà basculé. Et cette fois encore, le peuple occupe le centre.
La vacance est actée. La Haute Cour constitutionnelle constate l’absence du président. Elle invite le colonel Michael Randrianirina à prendre les rênes. L’armée devient pouvoir. La transition n’est plus officieuse. Elle est légalisée.
– De la rue au retrait –
Andry Rajoelina se retranche. Contesté dans la rue, invisible dans le pays, il dénonce. Le vote de destitution ? Illégal, selon lui. Il parle d’un coup d’État militaire. Et il affirme : « Le président demeure pleinement en fonction.» Mais le pouvoir, lui, vacille.
Andry Rajoelina a quitté le pays. Dimanche, un avion militaire français l’exfiltre. En 2009, il avait déjà été propulsé au pouvoir par l’armée. Aujourd’hui, l’histoire semble se refermer. Le président de transition devient président en retrait.
Rajoelina s’était retiré en 2014. Il revient en 2018, élu président. En 2023, il est réélu pour cinq ans. Mais l’opposition boycotte le scrutin. Le mandat commence dans la défiance. Et finit dans la rue.
« On va mettre en place un comité composé d’officiers venant de l’armée, de la gendarmerie, de la police nationale. Peut-être qu’il y aura des hauts conseillers civils là-dedans. C’est ce comité qui va assurer le travail de la présidence. En même temps, après quelques jours, on va mettre en place un gouvernement civil, a assuré le colonel Randrianirina.
Sur les pavés d’Antananarivo, Jouannah Rasoarimanana incarne l’instant. À 24 ans, comptable et militante, elle savoure ce qu’elle appelle une « victoire ». Une victoire pour la jeunesse éduquée, celle qui a allumé l’étincelle. « On est libre maintenant », dit-elle, le regard tourné vers un avenir qu’elle veut différent. Son sourire n’est pas naïf. Il est celui d’une génération qui a compris que la rue peut parler plus fort que les urnes. Et que la mémoire de 1972 peut nourrir les combats de 2025.
Antananarivo s’agite. Depuis le 25 septembre, la rue ne désemplit pas. Des milliers de manifestants descendent encore. Gen Z mène la charge. Fonctionnaires en grève, syndicats, citoyens de tous âges les rejoignent. La contestation devient front commun.
– Constitution suspendue –
La Constitution tombe. Le colonel Randrianirina, chef de la Capsat, l’annonce. Cette unité militaire avait déjà joué un rôle clé en 2009. Samedi, elle rejoint les manifestants. Le rapport de force bascule. L’armée ne soutient plus le pouvoir. Elle le défait.
Les ordres changent. Les officiers appellent à ne pas tirer. Ils demandent aux forces de sécurité de désobéir. Puis ils rejoignent les manifestants. Dans le centre d’Antananarivo, la ligne de front s’efface. L’armée se retourne.
Le basculement militaire s’accélère. La majorité des forces armées a rejoint le mouvement contestataire. La gendarmerie, autrefois fer de lance de la répression, change de commandement. Ce retournement marque une rupture profonde dans l’appareil sécuritaire. Mais il intervient après un lourd tribut : au moins 22 morts, plus d’une centaine de blessés, selon les Nations Unies. La rue a résisté, mais elle a saigné. Et dans ce virage, c’est tout un système qui vacille — celui de l’ordre imposé par la force.
– Madagascar bascule –
Au total, 130 des 163 députés, soit plus de la majorité des deux tiers requise, ont voté mardi en faveur de la destitution d’Andry Rajoelina. Elle a été avalisée par la Haute Cour constitutionnelle, dont la dissolution a été annoncée mardi par le colonel Randrianirina.
Madagascar connaît le scénario. Soulèvement populaire. Chute du pouvoir. Gouvernement militaire de transition. L’histoire se répète. Et la pauvreté reste le décor.
« On essaie de voir exactement ce qui va se passer une fois la poussière retombée. Évidemment, s’il y a un coup d’État en cours, on s’y opposera », a réagi Farhan Haq, porte-parole du secrétaire général de l’ONU.
Le président en fuite a par ailleurs dit mardi enchaîner « plusieurs visites officielles prévues chez les pays amis, membres de la SADC », l’organisation de coopération d’Afrique australe.
Au moins 80% des 32 millions d’habitants de Madagascar vivent avec moins de 15 000 ariary par jour (2,80 euros), le seuil de pauvreté fixé par la Banque mondiale.
Source: Agence France-Presse