Lames de rasoir, poignards et autres objets dangereux ont pris de l’espace dans les cartables pour régler les comptes aux enseignants. Regards croisés de deux éducateurs. Pr Maurice Somo est psychosociologue. Michéline Samè est coach des enfants. Ils essaient de nous expliquer les responsabilités des uns des autres sur la violence en milieu scolaire.
Pr Maurice Somo
Comment comprendre cette recrudescence de la violence en milieu scolaire?
On ne peut plus parler de la recrudescence de la violence en milieu scolaire. Parce que le phénomène a atteint ce qu’on appelle le pic. Le phénomène a atteint le pic. C’est la loi de la distribution des phénomènes sociaux. Or, actuellement, au regard du nombre de cas de violence qu’on décèle dans nos différents établissements et plus généralement dans notre milieu en général. Il faut se dire que nous ne sommes plus à un niveau de recrudescence ou de pente ascendante. Mais nous avons déjà atteint le pic.
En quoi cela est dû ?
Lorsque tous les éléments favorables sont réunis, on aboutit donc à ce type de situation. Et au-delà de l’échec global d’une société dans la production d’un modèle d’éducation des jeunes, il y a l’importation, n’est-ce pas, des images créées par les PIC. Il y a un phénomène de liberté pour les enfants et la liberté plus généralement pour la société.
Il faut qu’aujourd’hui, n’importe qui, même les enfants, se permette n’importe quoi. Devrait-on davantage faire confiance aux enseignants afin d’élaguer ce phénomène, vu que ce sont ces derniers qui sont les premières victimes ? Bien, il faut donc comprendre une chose.
L’enfant est élu à partir de la maison, c’est vrai, à partir de la famille. Mais comme j’ai toujours dit, les enseignants sont des personnels qui ont reçu la formation et l’accusation nécessaires pour éradiquer un phénomène comme celui de la violence.
Donc, lorsqu’aujourd’hui, cette violence se retourne contre eux, ils devraient commencer à s’interroger sur les modèles d’enfants qu’ils produisent et, pas la complémentarité, mais sur l’efficacité du modèle d’éducation qu’eux-mêmes, les enseignants, ont mis en place.
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Bon, on pourrait être heureux de savoir que cette violence se retourne contre eux pour qu’ils prennent conscience de ce qu’il y a un échec sur le modèle produit. Mais maintenant, il faut qu’on fasse aussi attention à penser qu’il faut rejeter cela sur les parents.
Non, les parents ont certes le devoir d’aider les enfants, c’est la première structure de socialisation de l’enfant et à partir de laquelle il obtient un certain nombre d’éléments. Mais en fait, le spécialiste qui est capable de redresser un enfant, quel que soit ses défauts, lorsqu’il fixe la famille, c’est vraiment bien le milieu scolaire et les enseignants en priorité.
Qu’est-ce qui peut expliquer la crise de confiance entre les apprenants et les enseignants qu’on observe beaucoup plus aujourd’hui qu’à une certaine époque ?
Le modèle classique consacre la toute prépondérance de l’autorité de l’enseignant sur l’apprenant. Aujourd’hui, selon la dialectique du maître et de l’esclave, les choses se sont inversées. De plus en plus, les enfants ont pris de la liberté à l’occasion de l’avènement de l’ère de la liberté.
ont pris de la liberté et aidé à cela par les parents qui, en fait, dans un surinvestissement affectif, pensent que la meilleure façon de rendre leur enfant heureux, c’est de lui permettre de faire n’importe quoi. Cette permissivité des parents a donné aux enfants beaucoup de liberté. Et cette liberté est transposée donc au milieu scolaire. Et lorsque certains enseignants vont vouloir, à un moment donné, faire ce qu’ils ont à faire, ils vont se faire fasciner par des parents intolérables.
Cette prudence des enseignants fait qu’ils sont devenus de plus en plus défiants. Et dans leurs tâches au quotidien, donc, ils ne font plus preuve d’autorité. Et parce que les enfants, c’est essentiellement l’autorité avant le dialogue qui établit la relation de confiance.
Voilà, on a confiance en celui qui vous parle lorsque cette personne est d’autorité, lorsqu’il a une certaine autorité. Bon, il y a d’autres faits différents, qui sont peut-être mineurs, mais qui sont aussi importants.
On a vu la dégradation de la condition de l’enseignant, au point où il a perdu l’autorité qui était la sienne et sur laquelle il pouvait s’appuyer pour établir un modèle d’éducation, avec lui se situant au pied d’escale et l’apprenant, ne soit, en bas, pour écouter ce qu’il dit.
Que dites-vous du silence des parents ?
Les parents peuvent penser qu’ils sont silencieux, ils peuvent agir peut-être à travers les associations de parents d’élèves et tout ce que cela comporte. Mais en fait, reconnaissons que les parents, quel est leur niveau de qualification pour qu’ils puissent venir remettre la question ? C’est un peu comme si vous demandez à quelqu’un qui est à la maison de critiquer le travail d’un médecin.
Pourquoi vous ne voulez pas comprendre qu’il y a une réelle complexité dans le travail d’éducation des enseignants et que, lorsqu’il y a un problème, ces enseignants sont capables d’éradiquer le problème et non les parents qui, eux, n’ont pas la qualification pour.
Les parents ne sont pas silencieux, en réalité. Les parents font confiance aux enseignants parce qu’ils savent que le problème qui se pose, les enseignants ont tout ce qu’il faut pour les résoudre. Maintenant, lorsqu’ils sont sollicités d’une façon ou d’une autre, ils doivent le faire.
Propos recueillis par Alphonse Jènè
















