Deux morts. Des dizaines de blessés. Vendredi, une bousculade a éclaté pendant les funérailles nationales de Raila Odinga. La foule a paniqué. La veille, les forces de sécurité avaient ouvert le feu dans un stade de Nairobi. Trois personnes ont été tuées. Conséquence : la tension a explosé. Le deuil s’est transformé en chaos.
Vendredi matin, tout semblait sous contrôle. Le président William Ruto s’est affiché aux côtés de la famille Odinga. La cérémonie a débuté dans le calme, au stade Nyayo. Ce lieu, plus petit que celui de la veille, devait contenir l’émotion. Mais la tension n’a pas tardé à monter.
Après le départ des officiels, tout a basculé. Des milliers de personnes ont voulu s’approcher du cercueil. La foule a poussé. Le recueillement s’est transformé en chaos. Le stade Nyayo n’a pas tenu.
Les tribunes se sont levées d’un seul bloc. L’AFP a vu des spectateurs sauter en bas des gradins pour fuir. La panique a gagné le stade. Le recueillement a viré à la débâcle.
– Hommage tragique à Raila Odinga –
Près du cercueil, la pression est devenue insoutenable. Les militaires ont ordonné aux gens de s’agenouiller. Mais la foule derrière poussait toujours. Des personnes ont été piétinées. Le chaos s’est installé.
Des corps à terre. L’AFP a vu des personnes évanouies, d’autres avec des fractures. Certains suffoquaient. Le stade s’est transformé en salle d’urgence. Le deuil a viré au drame.
Bilan lourd. Médecins Sans Frontières a compté deux morts. Les équipes médicales ont pris en charge 163 blessés sur place. Elles ont transféré 34 patients vers des centres de soins. L’ONG intervenait avec d’autres équipes au stade Nyayo.
« La plupart des blessures concernaient des traumatismes contondants et des fractures », a encore indiqué MSF.
L’hôpital Jomo Kenyatta a pris en charge 19 blessés. Leur état reste inconnu. Le chaos du stade a dépassé les capacités d’évaluation. Le silence médical reflète l’ampleur du désordre.
La veille, le chaos avait déjà frappé. Au stade Kasarani, le plus grand de Nairobi, la dépouille de Raila Odinga avait été exposée. Cinq fois candidat malheureux à la présidentielle, il attirait une foule immense. Un mouvement de panique a éclaté. La bousculade du lendemain n’a fait que prolonger la tension.
Raila Odinga est mort mercredi en Inde, à 80 ans. Probable crise cardiaque. Il était vénéré par les Luo, l’un des plus grands groupes ethniques du Kenya. Sa disparition a secoué le pays.
– « Retenue » –
Jeudi, les forces de sécurité ont perdu le contrôle. Le stade Kasarani était bondé. Elles ont tiré. Des dizaines de milliers de personnes ont fui en quelques minutes. Le chaos était total.
Les images sont brutales. L’AFPTV a filmé une foule figée, couchée au sol, comme écrasée par l’incompréhension. Puis, en quelques secondes, elle s’est dispersée, courant dans tous les sens, traquée par les échos des tirs. Des dizaines de coups de feu ont déchiré l’air.
Dans les tribunes, des jeunes hommes ont été battus à coups de bâton par les forces de sécurité. Ce n’était plus un hommage, mais une scène de répression. Et dans cette violence, c’est l’image d’un pouvoir incapable de contenir la mémoire collective qui s’est imprimée : un État frappant ceux venus pleurer.
VOCAL Africa a confirmé trois morts jeudi au stade Kasarani. Les tirs ont tué. La foule était venue pour pleurer. Elle est repartie en deuil et en colère.
Vendredi, l’AFP a rencontré les familles à la morgue. Une photo montre des blessures par balle. Evans Kiche, 40 ans, a été touché à la tête. Sa femme, Brenda Akot, a lâché : « C’est dur à encaisser.» Le deuil est devenu insoutenable.
« C’est injustifiable », a lancé Hussein Khalid. Le directeur de VOCAL Africa s’est indigné à la morgue. Des civils en deuil ont été visés. La force a remplacé le respect. Le choc est national.
« Nous appelons la police à la plus grande retenue (…) Nous ne voulons pas voir d’autres décès liés à ces funérailles », avait-il dit à des journalistes présents peu avant la bousculade de vendredi.
– De la prison à la Constitution –
La mort de Raila Odinga, combattant pour la démocratie qui a passé huit ans en détention sous le régime autocratique de Daniel Arap Moi (1978-2002), est un séisme politique pour les Kényans. Elle laisse aussi un grand vide dans l’opposition kenyane.
On l’appelait “Baba”. Ce surnom affectueux disait tout. Raila Odinga a joué un rôle central dans l’avènement de la démocratie au Kenya. Son combat a marqué des générations. Il a notamment mis tout son poids dans la constitution de 2010.
Vendredi, un véhicule militaire a tracté le cercueil de Raila Odinga. Un drapeau kenyan le recouvrait. La scène s’est déroulée dans le stade Nyayo. Solennité. Silence. Puis la foule a basculé.
La dépouille de Raila Odinga sera transférée dans l’ouest du Kenya. C’est là qu’il est né. C’est là qu’il est vénéré. Le dernier voyage commence.
Source: Agence France-Presse