Investiture dans le sang en Tanzanie. Lundi, Samia Suluhu Hassan a prêté serment dans une capitale verrouillée, loin du peuple et des regards. Ce moment, censé incarner la continuité démocratique, s’est tenu dans le silence pesant d’un terrain militaire, marqué par les récentes violences électorales et les morts que le pouvoir peine à reconnaître.
Et pourtant, à quelques kilomètres, le sol tanzanien portait encore les stigmates d’une répression sanglante. L’élection, contestée dès ses premiers instants, a plongé le pays dans le chaos.
L’opposition évoque plus de 800 morts. Internet coupé, voix étouffées, images interdites. Dans ce climat de peur, la présidente a été intronisée. Un pouvoir renforcé, mais une légitimité fracturée.
En 2021, à la mort de John Magufuli, Samia Suluhu Hassan prend le pouvoir. Elle a 65 ans. D’abord saluée pour avoir desserré l’étau autoritaire, elle change de cap. Avant le scrutin, elle fait taire ses opposants. Les accusations de répression se multiplient.
Voile rouge, robe noire. Dans un décor verrouillé, Samia Suluhu Hassan lève la main droite. Sa voix résonne : « Je jure de remplir mes fonctions avec diligence et un cœur sincère.»
Ce serment, prononcé devant une élite triée sur le volet, tranche avec les cris étouffés de la rue. Dans son discours, elle appelle à l’unité et à la solidarité. Mais ces mots, portés par une cérémonie fermée au public, peinent à masquer les fractures d’un pays meurtri.
Lors de son investiture, Samia Suluhu Hassan a reconnu des morts. Elle a parlé de « violences » et de « pertes de vies humaines ». Aucun chiffre. Aucun bilan. C’est la première fois qu’elle admet des décès.
– Entre parade militaire et répression numérique –
À Dodoma, la scène est saisissante. Là où les investitures passées accueillaient la foule, celle de Samia Suluhu Hassan se déroule à huis clos. Aucun citoyen. Aucun applaudissement spontané.
Juste un terrain de parade militaire, froid et impersonnel. Quelques podiums dressés tentent de donner le change, mais l’espace béant trahit l’absence. Ce vide, plus qu’un détail logistique, devient symbole : celui d’un pouvoir qui se replie, d’un régime qui célèbre sa victoire loin du peuple.
« Mama Samia », son surnom parmi ses soutiens, a été investie devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.
La présidente sortante a selon la commission électorale obtenu 97,66 % des suffrages. L’élection a été qualifiée de « parodie de démocratie » par l’opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonnés, soit disqualifiés.
L’opposition dénonce des fraudes. Le jour du vote, elle pointe des irrégularités massives. Le taux de participation grimpe à 87 %, selon la commission. Trop haut, trop suspect. Le chiffre fait polémique.
Le scrutin a viré à la violence. Les manifestations ont été écrasées dans le sang. La Tanzanie a été verrouillée. Internet coupé cinq jours. L’information a été étouffée.
Netblocks a parlé. Lundi soir, la Tanzanie a retrouvé partiellement sa connexion. Mais les réseaux sociaux restent bloqués. Le contrôle persiste. La censure continue.
Un journaliste de l’AFP confirme : la connexion revient par à-coups. Les réseaux sociaux restent presque inaccessibles. Le verrou numérique tient encore.
Les images se propagent. On y voit des corps entassés, des silhouettes figées, des tirs en plein jour. L’uniforme ne cache plus la violence. Malgré un SMS de la police menaçant de sanctions, les vidéos se propagent. La censure vacille. La peur, elle, reste.
– Cadavres –
Le service de fact-checking de l’AFP a pu vérifier que certaines d’entre elles n’avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu’elles ont été prises en Tanzanie.
Vendredi, Chadema parle. L’opposition affirme : 700 morts en trois jours. Tous les manifestants. Une source sécuritaire juge ce chiffre crédible. Le régime reste silencieux.
Le lendemain, ce porte-parole, John Kitoka, a fait état d’au moins 800 tués.
Une source diplomatique parle. Elle évoque des centaines de morts. Peut-être des milliers. Les violences électorales ont fait un carnage. L’information est jugée crédible.
La police bloque internet. Elle traque les opposants. Elle cherche ceux qui détiennent des vidéos. Les rapports sont préoccupants. La répression se poursuit, en ligne comme dans la rue.
Lundi, un rapport préliminaire de la SADC jette une lumière crue sur le scrutin. L’organisation régionale, dont la Tanzanie est membre, évoque une faible affluence dans les bureaux de vote.
Mais surtout, elle documente des irrégularités et des scènes de violence. Des policiers ont ouvert le feu. Ces mots, pesés, officiels, confirment ce que les témoins racontaient déjà.
L’élection, loin d’un exercice démocratique apaisé, s’est déroulée dans un climat de peur. Et désormais, même les observateurs internationaux en dressent le constat.
Les écoles sont restées fermées lundi et les transports publics ont été à l’arrêt. Le gouvernement a annoncé une reprise des activités mardi.
Antonio Guterres s’exprime. Vendredi, il demande une enquête. Elle doit être minutieuse. Elle doit être impartiale. L’ONU veut des réponses sur l’usage excessif de la force.
Source: Agence France-Presse















