Mercredi soir, l’Algérie a entamé la CAN-2025 par une victoire éclatante. Mais au-delà du terrain, c’est la fraternité sportive Algérie-Maroc qui a illuminé les tribunes : des milliers de supporters algériens, rejoints par des Marocains, ont fait de ce moment une célébration de l’unité, où le football devenait un langage commun et un vecteur d’espérance.
Et soudain, le football a suspendu le contentieux diplomatique entre les deux pays. La pelouse est devenue un espace de communion, où la passion a pris le pas sur les fractures politiques.
Ce premier succès algérien n’était pas seulement un résultat sportif : il incarnait la possibilité d’un rapprochement, d’une unité symbolique offerte par le jeu.
« One, two, three, viva l’Algérie ! Les supporters des Fennecs ont fait vibrer les abords du stade Moulay Hassan, à Rabat. Non loin de l’ambassade algérienne, fermée depuis la rupture des liens bilatéraux décidée par Alger en 2021, leurs chants ont résonné avec force.
– Khawa khawa : des supporters unis malgré les frontières –
La majorité des supporters brandissait des drapeaux algériens. Mais les couleurs du Maroc apparaissaient aussi. Elles traduisaient l’esprit d’unité porté par le slogan « khawa khawa » – « nous sommes des frères ». Un refrain repris par de nombreux supporters des deux pays, interrogés par l’AFP.
Rafik Boumaâraf, originaire d’Oran, près de la frontière marocaine, a dû contourner l’obstacle. Pour rejoindre le royaume, il a pris l’avion, transitant par Tunis avant d’atterrir à Casablanca. La frontière terrestre, fermée depuis 1994, reste infranchissable.
« Ça aurait été génial si les frontières étaient ouvertes, mais elles finiront par rouvrir si Dieu le veut », confie ce quadragénaire algérien, le regard chargé d’espoir. Derrière ses mots, une fracture ancienne, mais aussi la promesse d’un possible rapprochement.
Il ajoute : « Nous avons reçu un accueil formidable. Et dans cette chaleur fraternelle, des milliers de ses compatriotes ont traversé les obstacles pour encourager les Fennecs. Leur victoire inaugurale contre le Soudan (3-0) résonne comme un signal fort, miroir du succès marocain face aux Comores (2-0) quelques jours plus tôt.
Deux triomphes qui, au-delà du sport, dessinent une scène où le football devient langage d’unité et vecteur d’espérance.
Aymen, 27 ans, venu de Batna, affirme se sentir au Maroc comme dans « sa deuxième patrie ». « La générosité ne manque pas chez nos frères marocains », insiste-t-il. Lui aussi a dû transiter par Tunis avant de rejoindre le royaume.
– « Réalité » –
Jamais depuis la rupture diplomatique de 2021 un tel élan populaire n’avait été observé. Cet événement sportif devient ainsi plus qu’un match : il marque la première manifestation collective où Algériens et Marocains se retrouvent, portés par la ferveur du football.
Dans les tribunes, l’unité prend corps, brisant pour un instant les murs politiques et offrant l’image d’une fraternité retrouvée.
Cette atmosphère chaleureuse contraste avec le climat tendu qui a marqué plusieurs rencontres entre clubs marocains et algériens ces dernières années.
En 2024, l’USM Alger a boycotté les demi-finales de la Coupe de la CAF. Motif : les maillots de la RS Berkane affichaient une carte du Maroc incluant le Sahara occidental, territoire au statut contesté.
Ancienne colonie espagnole, le Sahara occidental est aujourd’hui contrôlé en grande partie par le Maroc. Mais il reste revendiqué par le Front Polisario, soutenu par l’Algérie. Cette question sensible demeure au cœur du contentieux entre Rabat et Alger.
Le Maroc avait renoncé à envoyer sa sélection U23 au CHAN en Algérie. Motif : les autorités algériennes n’avaient pas autorisé le voyage à bord d’un avion marocain.
– Fraternité en tribunes, rivalité sur le terrain –
Les différends s’expriment aussi sur les réseaux. Rafik Boumaâraf dit suivre ces « disputes » en ligne. Mais il préfère s’appuyer sur la réalité. « Et la réalité, c’est que nous sommes frères », insiste-t-il.
À 47 ans, Rachid Bouarich a voulu donner corps à cet élan. Il portait un maillot du Maroc et brandissait un drapeau algérien.
« Je suis marocain, né en France et ayant grandi avec des Algériens… Vive l’Algérie ! » lance-t-il, entouré de ses deux enfants. Comme lui, de nombreux supporters venus d’Europe ont fait le déplacement en famille.
Devant le stade, les attroupements vibraient d’une joie communicative. Zara Iza, 47 ans, dansait avec énergie en brandissant le drapeau algérien.
« Je suis venue avec un cœur ouvert… Nous avons été accueillis chaleureusement et j’espère que les deux pays se réconcilieront », confie cette Franco-Algérienne. Pour elle, le trajet depuis la France a été bien plus simple.
Le Maroc avance en grand favori. L’Algérie s’impose comme outsider crédible. Mais les bonnes intentions tiendront-elles face aux ambitions sportives ? Réponse, peut-être, le 18 janvier à Rabat, lors d’une finale aux allures de derby algéro-marocain.
Source: Agence France-Presse
















