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Exil de Tchiroma en Gambie : illusion ou frein pour la libération du Cameroun

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L’exil de Tchiroma Bakary en Gambie ouvre une nouvelle séquence politique. Après s’être proclamé président élu, il a quitté le Cameroun pour chercher refuge, d’abord au Nigeria, puis en Gambie. Ce parcours relance un vieux débat africain : l’exil doit‑il être considéré comme une arme politique ou comme l’aveu d’une impuissance face au pouvoir en place ? Le Professeur Patrice Nganang, lui, défend l’exil comme une véritable stratégie de lutte.

Il convoque l’exemple de l’Afrique du Sud, du Rwanda ou encore de la Gambie pour illustrer des trajectoires de libération. Pourtant, le cas Tchiroma révèle brutalement les limites de cette grille de lecture.

L’exil en Gambie ne constitue ni une ressource stratégique ni un levier de mobilisation. Il s’apparente plutôt à une impasse : un espace de fuite qui entretient l’illusion d’une alternative, tout en renforçant la guerre d’usure orchestrée par le régime Biya.

Loin d’ouvrir une brèche, cet exil enferme l’opposition dans une logique de dispersion et de désarmement symbolique, où l’énergie militante se dilue au lieu de se cristalliser.

– Un départ qui traduit l’impuissance –

Quitter le Cameroun revient à reconnaître son incapacité à affronter Paul Biya sur le terrain national. Tchiroma, qui a un temps incarné les aspirations populaires, n’a jamais été porteur d’un projet structuré ; son rôle fut davantage celui d’un substitut par défaut que celui d’un véritable architecte politique.

Son exil en Gambie n’est pas une stratégie, mais une fuite. Dépourvu de moyens d’action, il ne peut peser sur les réalités internes. Dépourvu de relais diplomatiques, il ne bénéficie d’aucun appui : ni de l’Union africaine, ni de l’ONU, ni de la France.

Isolé, malade, il reste seul face à son impuissance. Son départ est un aveu clair : il n’a pas la capacité de libérer le Cameroun.

Or, l’histoire montre qu’un leader en exil peut transformer sa position extérieure en levier. Mandela, depuis l’Afrique du Sud, a su mobiliser l’appui international pour amplifier la lutte contre l’apartheid.

Les opposants rwandais ont, eux, activé la diaspora pour maintenir vivante la contestation et construire des réseaux d’influence. Tchiroma, en revanche, n’a ni cette vision ni cette capacité. Sans réseau structuré, sans relais puissants, son exil ne produit qu’un vide politique. Il illustre les limites d’une opposition fragmentée, incapable de convertir l’exil en force, et condamne son action à l’isolement et à l’oubli.

– Les limites des petits États africains –

L’histoire est claire. Amadou Ahidjo est mort en exil au Sénégal en 1989. Protégé par les confréries musulmanes, il n’a jamais pu peser sur la politique camerounaise.

Hissène Habré a vécu à Dakar, protégé par des réseaux religieux et politiques, mais il a fini par être jugé sous pression internationale.

Ange-Félix Patassé s’est réfugié au Togo, réduit au silence par les contraintes diplomatiques. Ces pays offrent une protection immédiate. Mais ils n’ont pas les moyens diplomatiques d’imposer une ligne politique à des régimes puissants.

La Gambie est un petit État. Son président lui-même a été imposé par le Sénégal et la CEDEAO. Comment pourrait-elle peser sur le Cameroun ? L’exil dans un tel pays conduit vite à l’oubli.

Les médias se lassent. Les populations locales se désintéressent. L’opposant devient un fantôme. Les exemples du Sénégal et du Togo le prouvent. Après quelques mois, les exilés disparaissent des radars.

– Le rôle stratégique du Nigeria –

Le Nigeria demeure une puissance régionale incontournable, dont l’influence s’étend bien au-delà de ses frontières. Des millions de Nigérians vivent au Cameroun, créant une interdépendance humaine et sociale qui dépasse les simples relations diplomatiques.

À cela s’ajoute une lutte commune contre Boko Haram, qui lie les deux États dans une coopération sécuritaire vitale. Mais cette coopération est fragile : Yaoundé conserve la capacité de moduler son engagement, et donc de fragiliser Abuja.

Le Nigeria, conscient de ses intérêts vitaux avec le Cameroun, ne pouvait assumer un exil trop visible de Tchiroma. Son départ vers la Gambie apparaît dès lors comme une solution par défaut, révélatrice de son isolement.

La Gambie n’offre ni poids stratégique ni relais diplomatiques ; elle n’est qu’un refuge périphérique, incapable de transformer l’exil en levier. Le véritable rapport de force se joue ailleurs : entre le Cameroun et le Nigeria, non entre le Cameroun et la Gambie.

Abuja sait que Yaoundé peut peser directement sur sa sécurité. En ralentissant la coopération militaire, en modulant son implication dans la lutte contre Boko Haram, le Cameroun dispose d’une capacité de nuisance réelle.

Cette menace latente explique la prudence nigériane : toute rupture frontale avec Yaoundé risquerait de fragiliser ses propres équilibres internes. Dans ce contexte, l’exil de Tchiroma n’est pas une stratégie, mais un symptôme : celui d’une opposition incapable de s’inscrire dans les véritables dynamiques régionales et condamnée à l’isolement diplomatique.

– L’illusion entretenue et la guerre d’usure –

Croire que Tchiroma puisse libérer le Cameroun depuis l’étranger relève de l’illusion. Et cette illusion, le régime Biya en vit, car elle lui permet de disperser l’opposition, d’épuiser les militants et de neutraliser les énergies.

L’exil devient ainsi un instrument de diversion, une mise à distance qui entretient la guerre d’usure et affaiblit la dynamique populaire.

Tchiroma n’est plus une ressource ; il est devenu un frein. Persister à l’attendre, c’est prolonger la dépendance et renforcer la stratégie du régime. Le peuple doit rompre avec cette attente stérile.

La libération ne viendra pas de l’extérieur, mais de l’intérieur. Elle émergera de nouvelles figures, capables d’incarner une alternative crédible. Elle prendra racine dans des structures locales, solidement ancrées dans les réalités sociales et politiques du pays.

Les Camerounais doivent investir dans des réseaux clandestins, bâtir des médias alternatifs, renforcer des solidarités communautaires. C’est dans ces espaces de proximité que peut se forger une résistance durable.

Une résistance qui ne se contente pas de dénoncer, mais qui organise, qui mobilise, qui construit. Une résistance crédible, capable de transformer l’énergie dispersée en force collective et de faire de l’intérieur du pays le véritable théâtre de la libération.

– Leçons des exils africains –

Ahidjo, Habré, Patassé : autant de figures qui ont révélé les limites de l’exil africain. Loin d’être un tremplin, l’exil devient souvent un espace de silence. Privé de relais internationaux, il se réduit à une parenthèse diplomatique.

Sans soutien extérieur, il se transforme en oubli, effaçant progressivement la voix de ceux qui espéraient incarner une alternative.

Tchiroma s’inscrit dans cette même trajectoire. Contraint de quitter le Nigeria, où des réserves lui ont été imposées, il s’est réfugié en Gambie par défaut. Le Sénégal n’a pas voulu l’accueillir, et la Gambie, trop marginale sur l’échiquier régional, ne dispose d’aucun pouvoir d’imposition.

Son exil n’est pas une stratégie, mais une fuite vers un espace périphérique, incapable de peser sur les rapports de force.

Ce départ illustre une vérité que le peuple camerounais doit intégrer : l’exil africain n’est pas une solution. Il peut offrir une respiration, un répit temporaire, mais jamais une dynamique de libération.

Les régimes en place savent exploiter cette illusion : ils laissent partir les opposants, les enferment dans l’oubli et continuent d’affaiblir les résistances internes.

La véritable libération ne se construit pas dans les marges diplomatiques, mais dans l’ancrage local. Elle exige des structures enracinées, des solidarités communautaires, des réseaux clandestins et des figures capables de transformer l’énergie populaire en force organisée.

L’exil, lorsqu’il n’est pas soutenu par une coalition internationale, n’est qu’une parenthèse. La solution, elle, se trouve dans l’intérieur du pays, là où se joue la confrontation réelle avec le régime.

– Le peuple doit reprendre son destin-

Le Cameroun ne peut pas compter sur un vieux malade isolé. Il doit compter sur lui-même. Les Camerounais doivent s’organiser. Ils doivent créer des structures de résistance. Ils doivent investir dans la résilience.

La libération ne viendra pas d’un exilé en Gambie. L’élan jaillira à l’intérieur. La jeunesse portera l’impulsion. Les communautés feront émerger la force.Les réseaux sociaux, les médias alternatifs et les solidarités locales amplifieront la voix.

Le peuple doit libérer Tchiroma. Il doit se libérer de l’illusion. Il doit reprendre son destin en main.

L’exil de Tchiroma en Gambie n’est pas une arme. C’est un aveu. Il illustre les limites des refuges africains. Il montre que la libération du Cameroun ne viendra pas d’un exilé isolé. Le peuple doit se libérer de cette illusion.

Construire une résistance crédible s’impose comme une priorité. L’investissement dans des structures locales apparaît indispensable.La préparation à une lutte longue, enracinée dans les réalités, reste incontournable. Libérer Tchiroma, c’est libérer le Cameroun de l’illusion.

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