En parcourant les rues d’Abidjan et les petites villes ivoiriennes à la recherche de soutien, ils attirent les regards interrogateurs: ces citoyens se présentent pour la première fois à l’élection présidentielle, à l’ombre des figures de l’opposition et du président Alassane Ouattara, qui brigue un quatrième mandat.
Trois mois avant le scrutin, ils doivent réunir 50 millions de francs CFA (76.000 euros) pour le dépôt de leur candidature, quand un système de parrainages les contraint à obtenir 1% des voix de la moitié des 31 régions du pays, de la capitale politique Yamoussoukro et d’Abidjan.
En 2020, seuls 4 dossiers sur 44 déposés ont été validés par le Conseil constitutionnel.
Voici quatre de ces nouveaux candidats.
– Tiémoko Assalé, le journaliste d’investigation
Depuis près de 20 ans, Tiémoko Assalé démontre et dénonce la corruption en Côte d’Ivoire et a créé l’un des seuls médias indépendants du pays, « l’Eléphant déchaîné ».
Mais « toutes les enquêtes que nous avons faites, parfois y compris en risquant notre vie (…) ne produisaient de l’émotion que le temps de la lecture », raconte-t-il à l’AFP, évoquant son année en prison en 2008 après la publication d’un article et la tentative de meurtre qui l’a visé, dénoncée à l’époque par Amnesty international.
« J’ai décidé de faire la politique parce que j’ai été un peu déçu par l’écho qu’avaient mes enquêtes sur le pouvoir en place », explique-t-il.
M. Assalé, 49 ans, juriste de formation, est depuis 2018 député-maire de Tiassalé, commune située à 120 km d’Abidjan et prépare désormais sa candidature à la présidentielle… tout en continuant son travail de journaliste.
« Demain, il faudra que l’investigation soit libre pour aider le pays à avancer », assure-t-il.
Pour l’instant, « la chose la plus difficile, c’est les parrainages », livre-t-il, toutefois confiant pour réunir la somme de 50 millions de francs CFA, notamment grâce à la création d’une cagnotte.
– Vincent Toh-Bi Irié, l’ancien préfet
Récemment allié à Tiémoko Assalé – bien qu’ils soient chacun candidat au scrutin -, Vincent Toh-Bi Irié, 55 ans, a eu comme lui, plusieurs vies. Consultant lors d’élections à l’étranger, directeur de cabinet au ministère ivoirien de l’Intérieur, préfet d’Abidjan, président d’une ONG pour prévenir les conflits lors de scrutins… « J’ai toutes les perspectives! », lance-il.
Ce qu’il en retient principalement, c’est qu’il faut « humaniser les politiques publiques », citant par exemple de violentes opérations de démolition et d’expulsion menées l’année dernière dans des quartiers d’Abidjan, précaires ou en zone inondable, qui ont fait polémique. La capitale économique ivoirienne « doit se développer », mais « tout réside dans la méthode », pense-t-il.
Pour porter sa candidature, il compte lui aussi sur une participation citoyenne, tant financière que sur le terrain. « Nous fonctionnons avec beaucoup de bénévoles, qui ont soif de changement », indique-t-il.
« Ce n’est pas facile pour les candidats qui n’ont pas fait carrière dans la politique », lâche-t-il, sans révéler les chiffres des parrainages qu’il a obtenus.
– Jean-François Kouassi, le candidat des jeunes
En Côte d’Ivoire, 75% de la population ivoirienne a moins de 35 ans, l’âge minimum pour se présenter à l’élection présidentielle: « cette frange de la population n’a-t-elle pas le droit d’avoir un candidat ? », s’interroge Jean-François Kouassi, 35 ans révolus, dans une vidéo partagée sur les réseaux sociaux.
« La jeunesse est sous-représentée dans les institutions, dans les instances décisionnaires et la scène politique est occupée par des dinosaures depuis des décennies », affirme à l’AFP cet entrepreneur dans l’agriculture et étudiant en sociologie, lunettes sur le nez, style soigné.
Alassane Ouattara brigue un quatrième mandat à 83 ans, quand son rival historique Laurent Gbagbo souhaite être candidat malgré son inéligibilité, à 80 ans.
Pour financer sa campagne et réunir 50 millions de francs CFA, M. Kouassi a lancé une cagnotte et fait appel à l’investissement d’entrepreneurs.
– Wilfried Zahui, le pasteur
Pasteur depuis près de 20 ans, Wilfried Zahui encourage ses fidèles au pardon et l’Etat ivoirien à l’amnistie, pour enfin réconcilier le pays, fragilisé par une crise post-électorale sanglante fin 2010 début 2011 qui opposait le camp Gbagbo au camp Ouattara, toujours rivaux.
Parmi les quatre figures de l’opposition exclues du scrutin présidentiel d’octobre 2025, M. Gbagbo a par exemple été gracié après une condamnation liée à la crise mais n’a pas été amnistié, ce qui l’empêche de jouir de ses droits civiques.
En outre, « ceux qui ont été victimes ont besoin d’être dédommagés » indique M. Zahui, évoquant « mutilés de guerre, déplacés de guerre, enfants qui ont perdu leurs parents » pendant la crise.
Selon lui, le système électoral ne comporte pas d’obstacles aux nouveaux venus dans la course à la présidentielle. « On ne parle pas de la mairie, on parle de la nation, c’est fait pour accueillir des candidats sérieux », dit-il, sans jamais laisser échapper une émotion qui le déconcentrerait.
Il dit financer sa campagne « sur fonds propres ».
Source : Agence France-Presse