Dmytro Kouleba a parcouru pendant deux ans et demi les capitales occidentales pour réclamer sans cesse un plus grand soutien pour l’Ukraine, dont il est l’une des grandes voix depuis le début de l’invasion russe en 2022.
Excellent orateur réputé pour son style direct, voire incisif, et ses phrases tranchantes bien choisies, cet homme de 43 ans avait été nommé en 2020, devenant alors le plus jeune ministre ukrainien des Affaires étrangères.
Fils d’ambassadeur, diplomate de carrière, Dmytro Kouleba est devenu un visage familier en Occident, où il tente inlassablement de convaincre d’envoyer à son pays les moyens militaires dont il a besoin pour résister à l’armée russe.
« Lorsque l’Ukraine a tout ce dont elle a besoin, nous ne manquons pas de courage et de compétences militaires pour avancer et gagner », clamait-il cet été, après l’offensive surprise dans la région russe de Koursk.
Si sa franchise inhabituelle pour un diplomate a hérissé certains alliés, d’autres ont admiré son travail.
« Il y a peu de personnes avec lesquelles j’ai travaillé aussi étroitement qu’avec toi », a écrit mercredi sur X son homologue allemande Annalena Baerbock, se souvenant de leurs « longues conversations dans les trains de nuit, au G7, sur la ligne de front, à Bruxelles, devant une centrale électrique bombardée ».
Son rôle a été « extrêmement difficile », a constaté le ministre polonais de la Défense Wladyslaw Kosiniak-Kamysz.
Sa démission fait partie du plus grand remaniement ministériel en Ukraine depuis le début de la guerre. Un haut responsable de la présidence a déclaré à l’AFP que M. Kouleba et le président Volodymyr Zelensky « discuteront et décideront » de son futur travail.
Certains évoquent un poste en charge de l’intégration de l’Ukraine dans l’Otan.
– « Pur diplomate occidental » –
Aucune raison n’a officiellement été donnée pour sa démission, mais une source haut placée au sein de la présidence ukrainienne, interrogée par l’AFP, avait récemment critiqué le fonctionnement de son ministère.
Malgré tout, « Kouleba était l’un des meilleurs ministres des Affaires étrangères ukrainiens » et un interlocuteur facile pour l’Occident, estime le politologue ukrainien Mykola Davydiouk auprès de l’AFP. « Les Occidentaux savaient le comprendre, il n’était pas corrompu et se comportait en pur diplomate occidental, parlant plusieurs langues étrangères et communiquant avec tout le monde ».
Sans pour autant voler la vedette au président Volodymyr Zelensky, devenu, lui, le visage de la résistance ukrainienne.
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Lors d’un talk-show à la télévision américaine en septembre 2022, il avait reçu l’ovation de l’audience en lançant: « Nous savons comment gagner et nous gagnerons ».
Originaire de Soumy, près de la frontière russe dans le nord-est de l’Ukraine, M. Kouleba est diplômé du prestigieux Institut des relations internationales de l’université Taras Chevtchenko de Kiev.
Il était devenu un des communicants clés de la diplomatie ukrainienne en 2014, au moment de l’annexion par la Russie de la Crimée, avant d’être nommé en 2016 au poste de représentant auprès du Conseil de l’Europe à Strasbourg (France), où il avait livré une bataille diplomatique sans merci à la délégation russe.
Auteur d’un livre sur les « fausses informations » et la communication, M. Kouleba est le père d’une fille et d’un fils adolescents. Il est séparé de leur mère.
– Tutelle de la présidence –
Selon des médias ukrainiens, M. Kouleba devrait être remplacé par son premier adjoint Andriï Sybiga, ex-chef adjoint de l’administration présidentielle.
Le nomination de M. Sybiga comme numéro deux de la diplomatie ukrainienne en avril avait été perçue comme un effort de la présidence visant à mieux contrôler ce ministère clé.
Des sources au sein du pouvoir ukrainien, interrogées par l’AFP, assuraient déjà depuis des mois que l’influence de Dmytro Kouleba était limitée et qu’il était sous la tutelle du puissant chef de l’administration présidentielle, Andriï Iermak.
Pour beaucoup, la démission du ministre n’a rien de volontaire et a été clairement exigée par la présidence.
« C’est un bon ministre, nous ne pouvons que le remercier », a estime une source dans l’entourage de Zelensky. Et d’ajouter: « apparemment ils (la présidence) veulent encore plus de contrôle » sur la politique étrangère.
L’analyste Mykola Davydiouk évoque l’hypothèse de la « jalousie » politique de la présidence vis-à-vis d’un ministre populaire. « Il n’y a certainement pas eu de problèmes de loyauté, mais ils en voulaient sans doute davantage », ajoute-il.
Moins connu et moins médiatique que le ministre sortant, M. Sybiga, 49 ans, est malgré tout considéré comme un poids lourd de la diplomatie ukrainienne. Il avait notamment occupé le poste d’ambassadeur en Turquie de 2016 à 2021.
Source: Agence France-Presse