Un gros litige foncier oppose certains jeunes du village Babenga dans l’arrondissement de Dibombari à la famille Babyla Gabsia, propriétaire d’une parcelle de terrain de 31 hectares acquis il y a 52 ans. En dépit des décisions de justice rendues, le sous-préfet a plutôt interdit aux ayants-droits d’y accéder. Enquête…
L’arrivée sur les lieux nous présente un champ ruiné. La palmeraie exploitée par la famille Gabsia a laissé place à un champ dévasté par les éléphants. Plus de la moitié des palmiers à huile ont été abattus par un groupe de jeunes de Babenga qui brandissent la décision n° 168/D/C16.01/BAAJP du sous-préfet prise le 23 mai 2024 dans laquelle il est écrit dans son article 1er « Est pour compter de la présente décision, interdit d’accès et exploitation par toute personne autre que les membres de la collectivité Villageoise de Babenga, la parcelle de terrain sis à Babenga d’une contenance superficielle de 31 hectares précédemment objet du titre foncier n°9736 Moungo au nom de Babyla Gabsia, reversé au domaine national à la suite d’une constatation de nullité par Monsieur le ministre des Domaines, du Cadastre et des affaires foncières », a écrit Jean Philippe Ngo Mebe, le sous-préfet.
Pourtant, la première constatation de nullité du ministre des Domaines, a été considérée comme une erreur et le 20 février 2024, Henri Eyebe Ayissi a signé l’arrêté n° 00487/Y.7/MINDCAF/SG/D6/S100/BKF, portant rétractation de l’arrêté n°0653/ MINDCAF/SG/D6/S200/S220/MKFC du 16 mars 2023, constatant la nullité d’ordre public du titre foncier n°9736/ Moungo établi au profit de Monsieur Babila Gabsia Gérald. En son article 2, il est écrit « Est par conséquent, retracté avec toutes les conséquences du droit, l’arrêté n°0653/ MINDCAF/SG/D6/S200/S220/MKFC du 16 mars 2023. Par conséquent, l’immeuble en cause réintègre l’assiette foncière du titre foncier n°9736/ Moungo », clair donc pour comprendre.
Un autre titre foncier
Ce qui n’a pas été le cas. Un groupe de jeunes conduit par un certain Nyamè, va à leur tour brandir un autre titre foncier délivré à la communauté villageoise de Babenga, qui sera remis au Sous-préfet. Commence alors les destructions des biens dans ladite parcelle. Une action est engagée en justice par les ayants-droits. Et en septembre 2024, le Tribunal administratif, « ordonne la suspension de la décision n° 168/D/C16.01/BAAJP du 23 mai 2024 du sous-préfet de Dibombari », peut-on lire à la page 15 de l’ordonnance n° 94/OSE/PTA/DLA/2024 signé par Dorcas Mukwade Ngando, président du Tribunal Administratif du Littoral.
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Le sous-préfet ne veut rien entendre
Tous ces documents ont été mis à la disposition du Sous-préfet qui ne veut rien entendre. Aucune réponse ne nous a été donnée dans ses services. Les collaborateurs rencontrés, disent «n’avoir rien à dire et que seul le chef de terre à réponse à donner », nous-a-t-on répondu de ce côté.
Contacté au téléphone pour une rencontre, le chef traditionnel du Village Babenga a répondu également n’avoir rien à voir avec ce qui ne le concerne pas. « Allez voir ceux qui ont organisé cette destruction. Que chacun assume ses responsabilités », nous-a-t-il parlé au téléphone.
Dans nos enquêtes, il nous a été révélé que le terrain dont il est question appartient à deux familles de Bomono ba Mbengué, les familles Bona Mpondo et la Bona Mollè. Rendu à la chefferie de Bomono ba Mbengué 2, les faits sont révélateurs. Une source nous situe davantage : « La famille Babila Gabsia exploite cette palmeraie depuis 1972. Les parents ont obtenu le titre foncier en 1998.
Et depuis l’année 2000, certains jeunes de Babenga, convoitent cette palmeraie, en disant que le terrain leur appartient. Or, papa Gabsia a acheté cet espace dans les normes aux familles de Bomono ba Mbengué. A cette époque le village Babenga n’avait pas d’espace là-bas. C’est donc les Bomono qui ont vendu leur terrain. C’est leur espace et non celui des Babenga. Ils ne sont même pas venus voir le chef de groupement. En complicité avec une certaine autorité à de Dimambari, ils ont plusieurs fois fait annuler le titre foncier obtenu légalement. Nous avons même appris ici que le ministre des Domaines a annulé trois des suites et a rétabli en même temps le titre. On a même encore appris qu’il permet à la collectivité Babenga d’établir un titre foncier de cet espace qui n’appartient pas à Babenga. Et un nom nous est parvenu comme représentant. Où est le chef Dissakè ? Voilà donc autant de choses qui vont apporter des troubles graves dans ce pays. Les ministres et les Sous-préfets sont au-dessus de la justice maintenant. Ce sont les Bomono qui doivent revendiquer et non ceux qui font ce désordre aujourd’hui. Il faut qu’on les traduise en justice pour destruction des biens. Ils ont mis presque tous les palmiers à terre qu’ils ont cédés aux vigneurs. C’est grave tout de même. Nous avons appris qu’ils n’ont aucun respect vis-à-vis de leur chef qui incarne l’autorité et que l’autorité administrative les soutient pour des raisons que je ne veux pas donner ici. Allez chercher vous êtes journaliste», avons-nous appris de la bouche de plusieurs notables du groupement sous cape.
Approché, sa majesté David Dibanda Mingolle, n’a pas voulu commenter cette affaire « j’ai aussi appris comme tout le monde ce qui se passe là-bas. Personne n’est venue me voir pour une quelconque information. Ce que je sais, c’est ce que cet espace n’appartient pas à Babenga. S’il y a revendication, les familles qui ont cédé cet espace existent. Elles sont connues de tout le monde », nous a fait savoir le chef de groupement Bomono Bomono.
Chez les plaignants, on explique que « le groupe des jeunes de Babenga sont allés faire un faux titre foncier après la sortie du ministre des Domaines qu’ils cachent malheureusement. Nous avons demandé le certificat de propriété à Nkongsamba. On a refusé de nous donner cela. Le sous-préfet nous a convoqués dans son bureau pour nous demander de donner le terrain à la collectivité, or bien avant, on a eu à donner 5 hectares à l’ancien chef de Babenga. Maintenant qu’il est décédé, le groupe veut qu’on leur donne plus que cela et le sous-préfet les supporte. Ce qui nous surprend même est que le sous-préfet a interdit à la famille propriétaire de ne plus jamais mettre leurs pieds dans leur palmeraie et que seuls les villageois qui doivent occuper ce site», explique Buma Bérard Gabsia, ayant-droit.
Certains documents attendus pour des actions appropriées
L’affaire a été portée au Fonds africain d’aides judiciaires. Les membres sont descendus sur les lieux le lundi 21 octobre 2024 pour constater les dégâts : « Les ayants-droits de la famille Gabsia nous ont saisi par une lettre venant de leur représentant, Philippe Gabsia. Nous représentons ici le Fonds africain d’aides judiciaires et de promotion des droits de l’homme qui est même en collaboration avec le ministère des Domaines dans le cadre de la lutte contre ce genre de fléaux. Il est inadmissible que depuis 1994, il y a une palmeraie de leur feu papa. Et aujourd’hui, les gens sont en train de découper. Ils ont eu leur titre foncier en 1988. Nous sommes descendus avec les éléments de la gendarmerie parce que nous sommes dans un état de droit. Et ils nous ont fait savoir que les travaux sont arrêtés jusqu’à l’issue de la procédure pendante. Je vous rappelle que le Président du tribunal administratif du Littoral a ordonné la suspension du titre foncier des ceux qui font la casse, la décision du sous-préfet ainsi que tous les documents concernant cette surface. Mais ils disent que personne ne peut rien leur faire. Pour le sous-préfet de Dibombari, on se réserve encore parce qu’il y a certains documents qu’on attend pour des actions appropriées », a dit Maitre Alih Stephen Ngu, représentant du Fonds africain d’aides judiciaires et de promotion des droits de l’homme.
L’organisation envisage porter cette affaire au plus haut niveau en utilisant tous les moyens pour faire triompher le droit et la paix dans cette localité.
Nous y reviendrons.