Corruption et financement libyen : jeudi, la justice française doit trancher une accusation lourde qui menace Nicolas Sarkozy d’une peine de prison. Au cœur du dossier, une question explosive : Mouammar Kadhafi l’a-t-il corrompu en finançant son accession à la présidence de la République ?
À moins de deux jours du verdict, un rebondissement majeur survient. Mardi, l’avocate Elise Arfi a confirmé le décès de Ziad Takieddine. L’intermédiaire franco-libanais était l’un des douze prévenus dans l’affaire du financement libyen. Sa disparition intervient à un moment clé du procès. Elle pourrait, selon les circonstances, modifier l’équilibre du délibéré.
À ce stade, nul ne sait si cette annonce influencera le délibéré. La lecture du jugement devrait durer plusieurs heures. Nicolas Sarkozy, 70 ans, prévoit d’y assister. Durant les trois mois d’audience, il a passé de longues heures à la barre. Ce verdict s’annonce comme l’un des plus scrutés de sa carrière politique et judiciaire.
– Procès Sarkozy : pacte faustien, réseaux sulfureux et disparition d’un témoin clé –
Une fois confirmé, le décès de Ziad Takieddine entraînera l’extinction des poursuites à son encontre. Cet intermédiaire franco-libanais fut un personnage clé de l’affaire. Il vivait au Liban et n’a pas assisté au procès début 2025. Pourtant, durant l’enquête, il avait affirmé avoir versé de l’argent libyen pour la campagne présidentielle de 2007. Sa disparition, survenue à moins de deux jours du jugement, ajoute une ombre supplémentaire à un dossier déjà explosif.
Le Parquet national financier ne mâche pas ses mots. Fin mars, ses représentants ont requis sept ans de prison contre Nicolas Sarkozy. Ils le présentent comme « commanditaire » et « bénéficiaire » d’un pacte occulte. Selon eux, l’ex-président aurait scellé un « pacte de corruption faustien » avec Mouammar Kadhafi. Un accord jugé toxique, conclu avec l’un des dictateurs les plus infréquentables des trente dernières années. Cette qualification dramatise l’enjeu du procès et souligne la gravité des accusations.
Plusieurs proches de Nicolas Sarkozy ont comparu aux côtés d’intermédiaires et d’hommes d’affaires sulfureux. Parmi eux, Brice Hortefeux, ancien ministre et ami fidèle. Claude Guéant était également présent. Il avait dirigé la campagne présidentielle de 2007 avant de devenir secrétaire général de l’Élysée. Leur présence souligne l’ampleur politique du procès et la proximité des réseaux impliqués.
– « Pas un centime libyen! » –
Selon l’accusation, Nicolas Sarkozy aurait agi en échange d’argent libyen. Il aurait facilité le retour diplomatique de la Libye sur la scène internationale. Il se serait aussi engagé à absoudre Abdallah Senoussi, beau-frère de Kadhafi. Ce dernier a été condamné à perpétuité pour l’attentat du DC-10 d’UTA, qui a fait 170 morts en 1989.
En cas de condamnation, un appel reste probable. Depuis 2011, Nicolas Sarkozy clame son innocence sans relâche. Ce nouveau procès pourrait relancer un feuilleton judiciaire déjà long de plus d’une décennie.
Ce recours repousserait vraisemblablement de plusieurs mois la menace de la prison. Une peine définitive supérieure à deux ans ferme n’est pas aménageable, par la pose d’un bracelet électronique par exemple. Un condamné de plus de 70 ans peut toutefois demander à bénéficier d’une libération conditionnelle.
Pendant plus d’une décennie, Nicolas Sarkozy, contre qui le parquet a également requis 300 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, a répondu aux accusations en criant à l' »infamie ». Il n’a pas varié à l’audience.
Nicolas Sarkozy se dit accablé. « Aucune preuve », « rien », « pas un centime libyen », martèle-t-il à la barre. Il affirme être fatigué de devoir « se justifier sur des preuves qui n’existent pas ».
Selon lui, les accusations viennent d’anciens dignitaires du régime Kadhafi. Il y voit un complot, orchestré pour se venger de son rôle dans la chute du dictateur en 2011. Ses avocats appuient cette ligne de défense.
D’après eux, les enquêteurs n’ont trouvé aucune trace d’argent libyen. Ni dans les comptes de campagne, ni dans son patrimoine personnel, ni dans ses décisions politiques.
– Marche triomphale –
Durant l’instruction, David Martinon n’a pas mâché ses mots. « Se faire financer sa campagne par Kadhafi », selon lui, serait « aussi con que de se faire payer ses costards par Robert Bourgi ». Cette pique renvoie au scandale qui a plombé la campagne présidentielle de François Fillon en 2017. À l’époque, Martinon était conseiller diplomatique, membre du premier cercle autour de Nicolas Sarkozy. Son commentaire illustre le climat d’ironie et de défiance qui entoure l’affaire libyenne.
À l’époque, il était conseiller diplomatique. Il faisait partie du cercle rapproché de Nicolas Sarkozy. Entre l’automne 2005 et la présidentielle de 2007, cette équipe agissait dans les coulisses avec une loyauté sans faille. Cette période marque un tournant dans la trajectoire politique de Sarkozy. Rien ne semblait pouvoir freiner sa marche vers le pouvoir suprême. L’élan était total, les obstacles balayés, les ambitions assumées.
– Un parcours judiciaire inédit pour un ancien président –
Près de vingt ans après les faits, l’affaire libyenne continue de poursuivre Nicolas Sarkozy. Mais ce dossier n’est pas isolé. L’ex-président a déjà été condamné à l’issue de quatre procès distincts. À chaque fois, la justice a confirmé sa responsabilité. Ces condamnations successives dessinent un parcours judiciaire hors norme pour un ancien chef de l’État.
Nicolas Sarkozy a été définitivement condamné à un an de prison ferme dans l’affaire des écoutes. Entre janvier et mai, il a porté un bracelet électronique à la cheville. Cette mesure, inédite pour un ancien chef de l’État, marque un tournant judiciaire. En réaction, il a saisi la Cour européenne des droits de l’Homme. Ce recours vise à contester la sanction et à relancer le débat sur les garanties procédurales.
En appel, Nicolas Sarkozy a été condamné à un an de prison, dont six mois ferme. Cette peine concerne l’affaire Bygmalion, liée au financement de sa campagne présidentielle perdue de 2012. Par ailleurs, il a déposé un pourvoi en cassation. Celui-ci sera examiné le 8 octobre. Ce nouvel épisode judiciaire s’ajoute aux multiples procédures qui le visent.
Source : Agence France-Presse