La junte burkinabè a déclaré lundi « persona non grata » la coordonnatrice résidente de l’ONU, la Mauricienne Carol Flore-Smereczniak, pour sa « responsabilité » dans un rapport « véhiculant des informations graves et mensongères » qui attribue à l’armée des « violations contre des enfants » au Burkina Faso.
Le Burkina est miné depuis près de dix ans par les attaques meurtrières de groupes armés jihadistes affiliés à Al-Qaïda et à l’Etat islamique.
Le pays est dirigé depuis près de trois ans par une junte souverainiste, avec à sa tête le capitaine Ibrahim Traoré, qui a pris le pouvoir après un putsch en septembre 2022, assurant faire de la reconquête du territoire une « priorité ». Mais le pays reste pris dans une spirale de violences.
L’armée et ses supplétifs civils ont été accusés à plusieurs reprises d’exactions contre des civils.
En mars 2025, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a adressé un rapport au Conseil de sécurité intitulé « Les enfants et le conflit armé au Burkina Faso », qui impute aux groupes armés jihadistes et à l’armée burkinabè des violences contre les enfants.
« Il ressort que ce rapport a été élaboré par une équipe spéciale pays, coprésidée par la coordonnatrice résidente du système des Nations Unies au Burkina Faso », a affirmé lundi le gouvernement burkinabè dans un communiqué.
« Pour sa responsabilité dans la coprésidence de l’élaboration d’un rapport compilant des données sans sources objectives, sans preuves ni justificatifs, véhiculant des informations graves et mensongères », Mme Carol Flore-Smereczniak « est déclarée +persona non grata+ sur le territoire du Burkina Faso », a-t-il annoncé.
– « 2.483 violations graves » –
Le porte-parole du secrétaire général des Nations unies a déclaré à l’AFP que l’ONU avait « appris avec regret » la décision de la junte, estimant qu’elle ne s’appuyait sur aucune base légale.
« Le système des Nations unies, mené par la coordonnatrice résidente, s’est consacré à travailler avec les autorités pour soutenir les efforts de développement et fournir une indispensable aide humanitaire », a souligné Stéphane Dujarric, ajoutant que « la doctrine de la persona non grata ne s’applique pas aux officiels des Nations unies ».
« Seul le Secrétaire général (…) a l’autorité pour décider, après une enquête minutieuse, du retrait d’un officiel des Nations unies », a-t-il ajouté.
Le rapport fait état de « 2.483 violations graves » commises contre « 2.255 enfants » entre juillet 2022 et juin 2024, dont « 501 violations graves (20%) » attribuées aux « Forces de défense et de sécurité » burkinabè et à leurs supplétifs civils.
« Dans un style narratif citant indistinctement les terroristes et les institutions de défense et de sécurité du Burkina Faso, ce rapport qui ressemble à une compilation d’affirmations sans fondements et de contre-vérités ne comporte en annexe, ni copies de rapports d’enquêtes, ni arrêts de justice pour étayer les cas prétendus de violations contre des enfants attribués aux vaillants combattants burkinabè », a regretté Ouagadougou.
« Le Gouvernement du Burkina Faso (…) réitère sa totale disponibilité à coopérer avec l’Organisation des Nations unies, à travers des représentants et des équipes pays résolument engagés dans un accompagnement vrai et sincère », a-t-il ajouté.
Originaire de Maurice, Mme Carol Flore-Smereczniak avait été nommée en juillet 2024.
– Terrorisme au Burkina –
En mars, elle avait été convoquée par le ministre burkinabè des Affaires étrangères, qui avait condamné auprès d’elle l’usage par des agences de l’ONU des expressions « groupes armés non étatiques » et « milices » pour désigner respectivement les « terroristes » et les supplétifs civils engagés aux côtés de l’armée dans la lutte antijihadiste.
« Le Gouvernement s’étonne de la persistance de certaines agences du système des Nations Unies au Burkina Faso dans l’utilisation avec légèreté et à dessein des terminologies équivoques cachant une volonté manifeste de légitimation ou de requalification de la barbarie dont le peuple burkinabè est victime depuis une décennie », a-t-il dit lundi dans le communiqué.
Le 23 décembre 2022, la junte avait déjà déclaré « persona non grata » une précédente coordonnatrice résidente de l’ONU au Burkina, l’Italienne Barbara Manzi. Elle avait été « priée de quitter le pays » le jour même.
En 2024, le Burkina Faso est le pays qui a enregistré le plus de morts dus au « terrorisme » pour la deuxième année consécutive avec 1.532 victimes, sur un total mondial de 7.555, rapporte l’Indice mondial du terrorisme.
Source : Agence France-Presse