Victoire écrasante du RHDP : samedi, le parti au pouvoir en Côte d’Ivoire a remporté une majorité massive aux législatives. Un résultat sans équivoque, qui prolonge l’élan du pouvoir en place à peine deux mois après la réélection d’Alassane Ouattara pour un quatrième mandat.
Mais derrière les chiffres, une scène plus profonde se dessine. Cette victoire ne se contente pas de renforcer une majorité : elle installe une hégémonie, une continuité politique qui semble absorber toute opposition. Elle marque aussi la capacité du pouvoir à verrouiller le tempo électoral, à imposer son récit, à transformer chaque scrutin en confirmation de sa légitimité.
Dans ce contexte, les législatives deviennent plus qu’un vote : un symbole de stabilité pour certains, de déséquilibre démocratique pour d’autres, révélant une Côte d’Ivoire où la domination politique se consolide élection après élection.
Fin octobre, Alassane Ouattara avait été réélu avec près de 90% des voix. Mais ce scrutin s’était déroulé sans les deux principales figures de l’opposition, Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam, toutes deux radiées des listes électorales. Un contexte qui interroge la portée réelle de cette victoire.
– Abstention record –
Selon les résultats définitifs annoncés lundi par la Commission électorale indépendante (CEI), le RHDP décroche 197 des 255 sièges, soit 77% de l’Assemblée. Un score en nette hausse, avec 34 sièges de plus que dans la précédente législature.
La participation est restée faible : 35 %. C’est presque trois points de moins qu’en 2021. Et cela intervient après une présidentielle où un électeur sur deux s’était déjà abstenu. Un signal clair d’un désengagement qui s’installe.
Comme prévu, le RHDP a largement dominé dans le nord du pays, son fief historique à majorité malinké. Là, les scores frôlent parfois les 100%. Une démonstration de force attendue, qui confirme l’ancrage du parti dans cette région.
Mais le RHDP a aussi renforcé sa présence dans le sud et l’ouest du pays, des régions pourtant réputées proches de l’opposition. Et cette progression confirme l’élargissement de son influence au‑delà de ses bastions traditionnels.
« RHDP : big respect ! La Côte d’Ivoire en orange », titrait lundi le quotidien pro‑pouvoir Le Patriote. À l’inverse, Le Nouveau Réveil, proche de l’opposition, dénonçait « des fraudes » en une. Deux lectures opposées d’un même scrutin.
Le vote s’est « globalement déroulé conformément aux lois », a assuré lundi le président de la CEI, Ibrahime Kuibiert Coulibaly. Selon lui, les violences et irrégularités constatées n’ont « eu aucune incidence » sur la sincérité du scrutin. Une affirmation qui vise à clore le débat.
– Opposition laminée –
L’opposition sort laminée du scrutin. Le PDCI, principale force d’opposition, encaisse un lourd revers. Et son président, Tidjane Thiam, absent du pays depuis mars, n’a pas pu peser sur la campagne. Un affaiblissement net.
Son nombre de députés est divisé par deux. Il passe de 66 à 32. Une chute brutale, qui confirme l’effondrement du parti dans les urnes.
Il ne tient vraiment que dans la capitale économique, Abidjan, et dans quelques localités du centre, son bastion historique. Ailleurs, le recul est net.
L’autre grande formation d’opposition, le PPA‑CI de l’ex‑président Laurent Gbagbo, avait appelé au boycott et n’avait présenté aucun candidat. Conséquence immédiate : le parti perd ses 18 députés de la précédente mandature.
Enfin, une vingtaine de députés ont été élus comme indépendants. Mais beaucoup sont d’anciens cadres du RHDP. Ils pourraient donc voter avec la majorité durant les cinq prochaines années. Un renfort potentiel qui consoliderait encore le pouvoir.
Au pouvoir depuis 2011, Alassane Ouattara entame son quatrième mandat avec une mainmise totale sur les institutions. Son parti domine partout : majorité renforcée au Sénat, contrôle de 80% des régions et de deux tiers des communes. Un pouvoir solidement verrouillé.
Ses partisans mettent en avant le dynamisme économique du pays, premier producteur mondial de cacao, et la stabilité qu’il affiche dans une région secouée par les putschs et les attaques jihadistes. À l’inverse, ses détracteurs dénoncent l’étouffement de l’opposition et la restriction des libertés. Deux lectures irréconciliables du même pouvoir.
– Le temps des héritiers s’ouvre –
La question de la succession s’annonce centrale. Le président, qui aura 84 ans jeudi, a promis une « transmission générationnelle » pour ce dernier mandat. Et ce sujet devrait désormais s’imposer dans le débat politique ivoirien.
Tout remaniement sera scruté de près. Après ces législatives, où toutes les grandes figures du RHDP ont remporté leur siège, chaque mouvement au sein du gouvernement prendra une portée particulière.
Le vice‑président Tiemoko Meyliet Koné, dauphin constitutionnel, a été élu avec 99,93 % à Tafiré (nord). Le ministre de la Défense, Tene Birahima Ouattara, frère du chef de l’État, a remporté Abobo avec 88%. Quant au Premier ministre Robert Beugré Mambé, il a obtenu 95% des voix à Songon (sud). Des scores écrasants pour les trois figures clés du pouvoir.
Quant au président sortant de l’Assemblée nationale, Adama Bictogo, très populaire, il a remporté la commune de Yopougon, à Abidjan — ancien bastion de Laurent Gbagbo — avec 68% des voix. Une victoire symbolique dans un territoire longtemps hostile au pouvoir.
Quelques ministres se distinguent également. Mamadou Touré (Jeunesse) et Amadou Koné (Transports) se sont largement imposés dans les grandes villes de Daloa et Bouaké, au centre du pays. Deux victoires qui confirment leur poids croissant au sein du parti.
Du côté de l’opposition, tout est à reconstruire. Et l’avenir de Tidjane Thiam à la tête du PDCI pourrait désormais être questionné au sein du parti, après cet échec. Une remise en cause qui s’annonce inévitable.
Quant à Laurent Gbagbo, son avenir politique devrait s’écrire loin de l’arène. L’ancien chef de l’État a annoncé il y a deux mois qu’il quitterait la présidence de son parti. Un retrait qui confirme son effacement progressif de la scène nationale.
Source: Agence France-Presse















