Des milliers de familles entament lundi soir leur première nuit sans toit dans l’est de l’Afghanistan, après qu’un séisme de magnitude 6 a fait plus de 800 morts et de 2.700 blessés dans des villages escarpés, où de nombreux habitants restent prisonniers des décombres.
La terre a tremblé aux alentours de minuit dimanche, sortant précipitamment de leur sommeil des centaines de milliers de personnes, de Kaboul jusqu’à Islamabad au Pakistan, à des centaines de kilomètres de là. Au moins cinq répliques, dont une de magnitude 5,2, ont suivi.
Le séisme a frappé à seulement huit kilomètres de profondeur. Son épicentre se trouvait à 27 km de Jalalabad, capitale de la province de Nangarhar. Cette faible profondeur a amplifié la violence des secousses. Les provinces montagneuses de Nangarhar, Kounar et Laghman ont subi de lourds dégâts. Le bilan humain est particulièrement élevé dans ces zones isolées.
Dans le district de Nourgal, probablement l’un des plus touchés de la province de Kounar, les longues secondes d’épouvante restent gravées dans la population.
Zafar Khan Gojar, 22 ans, raconte à l’AFP la scène tragique qu’il a vécue. Les murs et les pièces ont écrasé les femmes et les enfants. Le choc a tué certains sur le coup. D’autres ont été gravement blessés. Les secours ont évacué Zafar et son frère blessé par hélicoptère vers Jalalabad. Son témoignage illustre la violence du séisme et la détresse des survivants.
Dans le village de Wadir, des dizaines d’habitants des environs tentent toujours, malgré la nuit tombée depuis plusieurs heures, de déblayer les maisons écroulées pour retrouver les disparus.
A Mazar Dara, une autre petite localité, des familles mettent en terre des corps, parfois d’enfants, enveloppés dans un linceul blanc conformément au rite musulman.
– Ballet d’hélicoptères –
Lundi, dès l’aube, les hélicoptères ont multiplié les rotations depuis Jalalabad. Ils ont transporté de l’aide vers les zones sinistrées. Ils ont aussi évacué des dizaines de morts et de blessés. Le ministère de la Défense a confirmé l’intensité des opérations. Les secours ont travaillé sans relâche jusqu’à la tombée de la nuit.
Certains des villages les plus durement touchés restent inaccessibles en raison des blocages de routes, a déclaré à l’AFP l’agence de l’ONU pour les migrations. « Les Nations unies et nos partenaires en Afghanistan se coordonnent avec les autorités pour évaluer rapidement les besoins, fournir une aide d’urgence et se tenir prêts à mobiliser un soutien supplémentaire », a réagi le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, dans un communiqué. Un montant initial de 5 millions de dollars a été débloqué du fonds mondial d’intervention d’urgence de l’ONU, a-t-il précisé.
– L’urgence humanitaire s’intensifie –
En 2023, l’Afghanistan a subi l’un de ses pires drames sismiques. Un séisme de magnitude 6,3 a frappé la région d’Hérat, près de la frontière iranienne. Plus de 1.500 personnes ont perdu la vie. Plus de 63.000 habitations ont été détruites. Ce tremblement de terre est le plus meurtrier depuis plus de 25 ans. Les talibans, revenus au pouvoir en 2021, ont été confrontés à une crise humanitaire majeure.
Cette fois-ci, un bilan encore provisoire fait état de 800 morts et 2.500 blessés dans la province de Kounar ainsi que de 12 morts et 255 blessés dans celle de Nangarhar, a annoncé le porte-parole du gouvernement Zabihullah Mujahid, pendant une conférence de presse à Kaboul. La province de Laghman compte aussi des dizaines de blessés, de même source.
Ehsanullah Ehsan, responsable de la gestion des catastrophes à Kounar, alerte sur la gravité de la situation. Les recherches continuent dans les zones sinistrées. De nombreuses personnes restent coincées sous les décombres. Il est impossible, pour l’instant, de fournir un bilan précis. L’urgence humanitaire s’intensifie à mesure que les heures passent.
– « Terrifiant » –
« C’était terrifiant, les enfants et les femmes hurlaient », a témoigné Ijaz Ulhaq Yaad, haut fonctionnaire de Nourgal, joint par téléphone lundi soir. La ligne tenait encore, malgré les secousses. Son récit illustre la panique qui a saisi la population. Les cris ont résonné dans les rues, entre peur et chaos. Le séisme a frappé des familles déjà fragilisées.
La majorité de ces familles venaient tout juste de rentrer en Afghanistan. Elles avaient été expulsées du Pakistan ou de l’Iran. Les deux pays voisins ont renvoyé près de quatre millions d’Afghans. Ces vagues d’expulsions ont fragilisé des populations déjà vulnérables. Le séisme les a frappées alors qu’elles tentaient de se réinstaller.
« Il y avait environ 2.000 familles de réfugiés qui étaient revenues et comptaient reconstruire leur foyer » dans cette région agricole, a-t-il expliqué.
Par peur des répliques, « tout le monde reste dehors », a-t-il dit.
Par ailleurs, les autorités, les secouristes et les médias ont beaucoup de difficultés à accéder aux villages et aux hameaux, des glissements de terrain ayant coupé des routes.
– Zone sismique historique –
L’Afghanistan subit régulièrement des séismes. La chaîne de l’Hindou Kouch est particulièrement exposée. Elle se situe à la jonction des plaques eurasienne et indienne. Cette zone concentre 15 % de l’énergie sismique mondiale. Les secousses y sont souvent puissantes et profondes. Elles provoquent de lourds dégâts, surtout dans les régions rurales.
Le nord-est de l’Afghanistan est une zone sismique très active. Depuis 1900, cette région a enregistré 12 séismes d’une magnitude supérieure à 7, selon le sismologue Brian Baptie du British Geological Survey. Ces secousses sont liées à la collision entre les plaques eurasienne et indienne, notamment dans la chaîne de l’Hindu Kush. Les séismes y sont souvent profonds, mais leur puissance provoque des dégâts considérables, surtout dans les zones rurales mal construites.
Ce séisme a bouleversé l’Afghanistan. L’émotion est vive dans tout le pays. L’équipe nationale de cricket affrontait les Émirats arabes unis. Le match se jouait sur le sol émirati. Les joueurs afghans ont observé une minute de silence. Ce geste rend hommage aux victimes du drame.
Source : Agence France-Presse