Réunis en assemblée générale ordinaire le jeudi 18 décembre 2025 à Douala, les médecins dans l’Ordre ont parlé de « Fidélisation des talents de médecine et innovation».
Alors, dans la fidélisation des talents de médecine, l’on y voit plutôt l’environnement médical avec en fond de toile, le chômage des médecins. Un fait réel constaté depuis 5 ans. Pour le Dr Rodolphe Fonkoua, «depuis cinq ans, il est apparu dans l’environnement médical de notre pays. Un phénomène nouveau, le chômage ».
Mais, « un chômage paradoxal, parce qu’on ne peut pas comprendre que les besoins soient énormes. Qu’il y ait de très nombreux déserts médicaux et que, parallèlement, les enfants chôment. Et le corollaire de ce chômage, c’est le départ massif de ces enfants vers des pays demandeurs. Et ça nous pose un problème. C’est une urgence ».
Un désert généralisé des médecins
Et, « j’ai peur que, dans quelques années, il y ait un désert généralisé des médecins. Si la pépinière que sont ces jeunes médecins commence à partir, que deviendra la profession? Donc, c’est un problème urgent. Il est urgent », a laissé entendre le président de l’Ordre national des médecins du Cameroun.
Qui nous fait encore comprendre que « nous formons chaque année 800 médecins. Figurez-vous que plus de la moitié s’en vont. La population camerounaise augmente, c’est-à-dire que les besoins augmentent. Pendant que nous formons des enfants très chers et ils partent ».
Donc, « c’est pour ça que nous attirons l’attention des pouvoirs publics. C’est eux qui doivent le recruter pour créer des conditions. Mais il y a un deuxième problème. Il ne suffit pas seulement de recruter, mais il faut bien payer les médecins », dit-il.
Les limites du secteur privé
Un véritable plaidoyer pour structurer le secteur de la Santé qui chancelle. « Dans la sous-région, nous sommes les derniers de la classe. Je ne voudrais pas nommer le pays. Mais j’ai des jeunes confrères qui vont dans des pays qui, il y a 10-15 ans, couraient vers chez nous, chercher de l’emploi. C’est inadmissible », constat fait par le Dr Rodolphe Fonkoua.
En fait ce dernier va ressortir les limites du secteur privé en la matière : « Le secteur privé ne peut pas consommer autant. Ça, il faut le reconnaître. Dans les villages, je vais aller ouvrir une clinique. Qui va payer ? C’est ça, le problème. La santé publique est du ressort de l’État ».
« Tout comme l’éducation. Maintenant, le privé, je ne dirais pas que c’est du business, mais il doit nourrir son personnel. Donc, vous ne pouvez pas demander à quelqu’un d’aller dans mon village Bayangam, installer une clinique. Qui va payer ? », va-t-il s’interroger.
Dans la complexité de la situation, certains médecins pensent qu’il faut agir à divers niveaux. D’abord, au niveau de la qualité de la formation. Pour le Docteur Roger Etoa donc, « il faut améliorer la qualité de la formation pour qu’on ne forme plus à tout va. C’est quand il y a un trop-plein qu’après, on ne peut pas utiliser toute la quantité de médecins qu’on a formés. Et après, on trouve des voies à l’étranger », explique-t-il.
Pour lui encore, « il faut vraiment calibrer les besoins de formation. Les besoins en qualité et en quantité de formation. Ensuite, il faut améliorer l’environnement économique et sanitaire du pays. Pour qu’il y ait un tissu économique et hospitalier assez important pour absorber la quantité de médecins qui sortent des écoles de médecine ».
« Parce que l’État ne peut pas tout recruter. Aujourd’hui, à peu près 800 à 900 médecins sortent par an. L’État recrute moins de 100. Vous voyez bien qu’il y a 900, 800 qui sont dans les rues. Et les hôpitaux privés sont encore d’une fragilité, d’une taille minime pour pouvoir absorber tout ce monde ».
Et donc pour ça, « il faut quasiment lancer un plan Marchal dans le domaine de la médecine privée. Pour qu’on puisse avoir dans ce pays des grands groupes médicaux privés qui peuvent avoir 300, 400 médecins. Comme ça se fait dans tous les autres pays du monde ».
« Aujourd’hui, on peut compter le nombre de cliniques qui peuvent recruter à temps plein 10 médecins. Mais c’est généralement des vacations. Aussi, on améliore l’environnement des affaires. L’environnement économique qui permet d’avoir des grands groupes qui s’implantent. Pour pouvoir recruter tout ce monde, ce sera très important ».
Alléger la réglementation des médecins du public
Autre suggestion, « il faut améliorer les conditions réglementaires et sociales des médecins. Ça veut dire qu’il faut établir des conventions collectives dans le domaine de la santé. Pour qu’il y ait une grille de salaires. D’avantages, de protections auxquelles vont se soumettre les employeurs de ces médecins ».
Ensuite, « il faut alléger la réglementation des médecins du public. Pour qu’ils puissent faire une partie du travail dans le public, après une autre partie en libéral. Si un médecin a fini son travail à 15 ans, s’il veut arrondir ses fins de mois, qu’il puisse légalement avoir du temps partiel dans des cliniques privées ou à son propre compte, ce qui va permettre d’accroître ses revenus. Donc, il n’aura plus besoin de pouvoir s’exiler ».
Une loi sur l’investissement privé
Et pour terminer, le médecin va évoquer l’investissement privé médical. Il parle alors de «défiscaliser, d’encourager l’investissement privé médical », c’est-à-dire par « une loi sur l’investissement privé, qu’on puisse améliorer l’accès au crédit des promoteurs des établissements de santé privés pour qu’ils puissent agrandir leurs établissements, acquérir du matériel médical, et que même les jeunes puissent s’installer à moindre coût ».
Par exemple, « qu’on puisse complètement enlever les frais de douane sur le matériel médical. Si un jeune gynécologue veut s’installer, qu’il puisse pouvoir importer du matériel sans qu’il y ait des frais prohibitifs ». Et la réflexion continue au sein de l’Ordre des médecins qui veut donner de la valeur à un métier.
D’autres moments forts de l’Assemblée générale ordinaire. C’est la remise des Golden palm aux médecins qui cumulent chacun 50 ans de métier. Quatre en ont reçu les prix. Aussi un hommage a été rendu à un jeune médecin, Le Dr Ben Fayçal décédé le 04 novembre 2014. Des suites de morsure de serpent, alors qu’il n’avait que 28 ans et deux années de service.
















