Issu d’une famille modeste de réfugiés palestiniens, Omar M. Yaghi, formé aux États-Unis et lauréat du Nobel de chimie 2025, a insisté mercredi sur le besoin de soutenir la recherche, aujourd’hui menacée par Donald Trump, soulignant son rôle clé dans la lutte contre les inégalités.
« La science est indispensable pour résoudre les problèmes de société. Mais sans financement, elle ne peut avancer », a déclaré l’Américano-jordanien lors d’une conférence de presse en ligne.
Né en 1965 en Jordanie, le chimiste a émigré aux États-Unis pour étudier. Il a reçu une prestigieuse distinction aux côtés du Japonais Susumu Kitagawa et du Britannique Richard Robson. Ensemble, ils ont développé de nouvelles structures moléculaires capables d’emprisonner des gaz.
Cette prestigieuse récompense, selon lui, illustre la force du système scolaire public américain. Un système capable d’accueillir des personnes comme lui : réfugiées, issues de milieux très défavorisés.
« J’ai grandi dans une maison très modeste. Nous étions une dizaine dans une seule pièce, que nous partagions avec le bétail. Il n’y avait ni électricité ni eau courante. Ma mère ne savait ni lire ni écrire », a-t-il confié à la fondation Nobel.
Après avoir grandi à Amman, Omar M. Yaghi s’était rendu aux États-Unis pour ses études à l’âge de 15 ans, sur les conseils d’un père sévère.
– Egalité des chances –
Cette année, la remise des prix Nobel scientifiques s’inscrit dans un contexte politique tendu. Les coupes budgétaires imposées par Donald Trump inquiètent. Elles pourraient affaiblir la recherche américaine.
« La science est un fleuron de notre pays. Nous ne pouvons donc pas nous permettre de la laisser tomber », a plaidé mercredi le chimiste, insistant sur son rôle dans l’innovation mais aussi sur sa contribution à l’égalité des chances.
« Les gens intelligents, talentueux et compétents existent partout. Nous devrions vraiment nous concentrer sur la libération de leur potentiel, en leur offrant des opportunités », avait-il déclaré plus tôt.
Omar M. Yaghi avait dix ans lorsqu’il a découvert, pour la première fois, la chimie, un événement qui allait changer sa vie. En se faufilant dans la bibliothèque de son école, normalement toujours fermée à clé, il choisit un livre au hasard sur une étagère et tombe sur des images incompréhensibles mais fascinantes: celles des structures moléculaires.
« Je ne savais même pas ce que c’était. Mais j’en suis tombé amoureux. C’est ainsi que tout a commencé. Ensuite, j’ai découvert que toute la matière en était composée », a raconté le chercheur mercredi soir à Bruxelles.
– Du désert à la purification moléculaire –
Il commence ses études dans l’État de New York, tout en multipliant les petits boulots. Ensuite, il décroche un doctorat en chimie dans l’Illinois. Il enseigne dans plusieurs universités américaines, avant de rejoindre Berkeley, en Californie, en 2012.
Ses travaux sur l’extraction d’eau dans l’air désertique de l’Arizona ont ouvert une voie nouvelle. Avec les deux autres lauréats, il a conçu des dizaines de milliers de réseaux moléculaires. Ces structures capturent le dioxyde de carbone, stockent des gaz et séparent les PFAS de l’eau. Ces substances chimiques, longues à se décomposer, peuvent nuire à la santé.
« La chimie devient fascinante dès qu’on contrôle la matière à l’échelle atomique et moléculaire. Le potentiel explose. Grâce à cette maîtrise, nous avons ouvert une véritable mine d’or. Depuis, le domaine progresse sans relâche », a-t-il expliqué.
Parmi les nombreuses applications concrètes en cours, il a cité plusieurs domaines. D’abord, les thérapies et les biotechnologies. Ensuite, la capture du CO₂ dans les cimenteries. Ces sites comptent parmi les plus polluants de la planète.
Source: Agence France-Presse