Que s’est-il passé sous la tente en 2005 à Tripoli ? Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi se sont-ils retrouvés seul à seul ? Au procès des soupçons de financement libyen, le tribunal a commencé mercredi à évoquer le moment clé où se serait noué le « pacte de corruption ».
Le témoin à la barre, Jean-Luc Sibiude, était ambassadeur en Libye au moment de la visite de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur et officiellement venu pour parler immigration clandestine.
« Il était très attendu », se souvient l’ancien diplomate de 79 ans. « Nicolas Sarkozy était déjà candidat à la présidence, je ne sais pas si c’était officiel ou pas, mais ils avaient l’intention d’accueillir un potentiel futur président de la République », détaille-t-il, décrivant un programme « avec les dromadaires et tout le folklore ».
La délégation française s’est retrouvée « sous la tente » selon une « tradition bédouine », où des échanges « assez généraux ont eu lieu pendant un quart d’heure, vingt minutes ».
Ensuite, poursuit M. Sibiude – tandis que l’ex-président, assis bras croisés à un mètre de la barre, ne le lâche pas des yeux -, Nicolas Sarkozy et Mouammar Kadhafi sont sortis de la tente et ont « disparu ».
« Est-ce que vous avez le sentiment qu’ils se sont éloignés longtemps ? », demande la présidente Nathalie Gavarino. « Oui, une demi-heure, voire un peu plus ».
Pendant l’enquête, Jean-Luc Sibiude s’était souvenu avoir plaisanté auprès de l’interprète: « ils ont dû s’en dire, des choses ! ».
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Est-ce qu’il faut en déduire que l’interprète a participé à ce deuxième entretien « privé » ?, lui demande le tribunal.
« Ca ne change pas grand chose », balaie l’ancien diplomate.
La présidente lève un sourcil: « alors si, parce que selon l’accusation, M. Sarkozy aurait pu demander un financement à M. Kadhafi » à ce moment-là, relève la présidente. « La question qui se pose, c’est de savoir s’ils auraient pu avoir quelques minutes en tête-à-tête ».
« Seuls ? Ca me paraît très peu probable », vu le niveau de Kadhafi en anglais et français, dit le témoin, qui ne peut « ni confirmer ni infirmer ».
– « Piège » –
Nicolas Sarkozy bouillonne sur sa chaise, mais il n’aura pas la parole à cette audience. Il a toujours fermement nié avoir demandé au richissime dictateur de financer sa campagne présidentielle de 2007 – ni sous la tente, ni ailleurs.
« Rien » dans le dossier n’évoque un déplacement hors de la tente, s’insurge son avocat, Me Christophe Ingrain.
« Vous ne confondez pas avec la rencontre (quelques mois plus tôt) avec Michèle Alliot-Marie » – ministre de la Défense ?, lance-t-il au témoin qui s’en offusque « Pas du tout, là il n’y avait pas de tente », répond-t-il.
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Quelques jours avant la visite de Nicolas Sarkozy, son directeur de cabinet et aujourd’hui coprévenu Claude Guéant était venu pour un voyage « préparatoire ». Quant à Brice Hortefeux, également sur le banc des prévenus, il a fait le déplacement deux mois plus tard.
« Je ne vous cacherai pas qu’on a trouvé (sa visite) pas banale, essentiellement parce qu’il était ministre des Collectivités territoriales et que l’intérêt libyen pour les collectivités territoriales, c’était très limité, on ne voyait pas à quoi ça correspondait », dit l’ancien ambassadeur.
Sur place, les deux proches de Nicolas Sarkozy ont tous deux rencontré, « en secret » selon l’accusation, le directeur des renseignements libyens Abdallah Senoussi, personnage peu fréquentable car condamné à la perpétuité en France pour terrorisme.
Pendant l’enquête, les deux hommes ont soutenu n’avoir jamais prévu de le rencontrer et être tombés dans un « piège ».
« Cela vous paraît crédible ? », demande le parquet. « J’ai pas de réponse, ça ne me concerne pas, tout cela m’est étranger », élude le témoin.
Avant que l’ex-ambassadeur n’entre dans la salle d’audience, la présidente avait fait venir Claude Guéant à la barre et lui avait demandé s’il lui avait parlé, après coup, du « piège » dans lequel il serait tombé.
« J’ai tenu l’ambassadeur informé », avait assuré l’ancien ministre.
Une fois M. Sibiude à la barre, le tribunal vérifie qu’il maintient ce qu’il a toujours dit: qu’il n’avait jamais été mis au courant par M. Guéant.
« Exact », confirme le témoin.
Source: Agence France-Presse
















