L’annonce de sa mort a suspendu les divisions. Un deuil national en Libye de trois jours a été décrété. À l’Est comme à l’Ouest, les camps rivaux ont partagé une émotion rare et fragile. Le crash d’avion en Turquie, qui a emporté le chef d’état-major, dépasse le drame : il devient le symbole d’une nation déchirée mais capable, l’espace d’un instant, de se retrouver dans la douleur.
Cette union éphémère révèle la puissance des tragédies : elles rappellent la fragilité des vies et la possibilité, même fugace, d’une cohésion au cœur du chaos.
Mohamed al-Haddad, chef d’état-major libyen, et plusieurs hauts responsables militaires ont trouvé la mort au retour d’une visite à Ankara. Leur avion s’est écrasé moins d’un quart d’heure après le décollage, frappé selon les autorités turques par une panne électrique.
– Un symbole national disparu –
Ce drame, survenu au cœur d’une mission diplomatique, dépasse le simple accident : il révèle la fragilité nationale et rappelle combien le destin d’un pays peut basculer en un instant.
« Trouver un homme de son calibre sera difficile », confie à l’AFP Nasreddine al-Maghribi, installé à la terrasse d’un café de Tripoli.
Le général al-Haddad « jouissait d’une grande popularité, à l’Est comme à l’Ouest. Nous espérions qu’il jouerait un rôle clé dans l’unification de l’armée libyenne », a déclaré le sexagénaire.
À Tripoli, siège du gouvernement d’unité nationale reconnu à l’international, les célébrations du 74e anniversaire de l’indépendance ont été annulées.
Nouri Ben Othmane, militant de la société civile, décrit le général al-Haddad comme une « figure emblématique de la nation ».
« Il n’était pas seulement un chef militaire. Il incarnait un symbole, porteur de la responsabilité d’unifier l’armée et engagé pour la réconciliation nationale », a-t-il déclaré.
« La disparition d’une telle personnalité est une perte pour la nation. Dans une période délicate, nous avons cruellement besoin de dirigeants », déplore M. Ben Othmane, 57 ans.
Le chef du GNU, Abdelhamid Dbeibah, a décrété un deuil national de trois jours.
Un peu plus tard, le gouvernement parallèle de l’Est, dirigé par le maréchal Khalifa Haftar, décrétait lui aussi un deuil national de trois jours.
– « Intérêt national » –
Depuis la chute de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye reste instable. Deux exécutifs rivaux s’y disputent aujourd’hui le pouvoir.
Le maréchal Khalifa Haftar a présenté ses condoléances, évoquant sa « profonde tristesse ». Dans la bouche du chef militaire de l’Est, ces mots prennent une portée particulière : ils traduisent une douleur partagée qui dépasse les lignes de fracture politique.
Ce geste, rare, devient le symbole d’une reconnaissance commune, où même les rivaux s’inclinent devant la disparition d’une figure nationale. L’expression de cette tristesse souligne la puissance du drame : il impose, l’espace d’un instant, une unité née de la perte.
« Le deuil national, observé à l’Est comme à l’Ouest, révèle un consensus et une volonté d’unité », souligne M. Ben Othmane.
Originaire de Misrata, dans l’Ouest, Mohamed al-Haddad a été nommé chef d’état-major en août 2020 par Fayez al-Sarraj, alors Premier ministre.
La Mission d’appui de l’ONU en Libye (Manul) a salué un homme « qui plaçait l’intérêt national au premier plan ».
Durant son mandat, le général al-Haddad a œuvré sans relâche. Il a uni les institutions militaires et civiles. Il a imposé la paix, consolidé la stabilité. Transition après transition, il a posé les bases d’une Libye forte, souligne le communiqué.
Mohamed al-Manfi, président du Conseil présidentiel, devra désigner le successeur du général al-Haddad.
En attendant, le général Salaheddine al-Namrouche, adjoint du défunt chef d’état-major, assurera l’intérim, a annoncé M. Manfi mardi soir sur la chaîne al-Ahrar.
Source: Agence France-Presse
















