Dans la course à la présidence en RCA, la Centrafrique rejoue samedi un face-à-face politique devenu presque rituel. Six candidats se dressent contre le président sortant, Faustin-Archange Touadéra. Et parmi eux, une silhouette familière revient défier le pouvoir : Anicet-Georges Dologuélé.
Deux fois finaliste malheureux, deux fois stoppé au seuil du pouvoir, il revient encore, comme pour défier le destin. Cette nouvelle confrontation dépasse le simple cadre électoral.
Elle porte la charge symbolique d’un pays qui oscille entre continuité et rupture, entre fatigue démocratique et désir de recommencement. Dans cette élection, chaque bulletin semble peser plus lourd que les précédents.
– Anicet-Georges Dologuélé
Candidat pour la troisième fois depuis la guerre civile de 2013, il avance comme un outsider crédible. À 68 ans, il porte les couleurs de l’Union pour le renouveau centrafricain (URCA). Un parti qu’il a fondé en 2013. Et qu’il dirige toujours.
Parfois jugé trop élitiste, il a terminé deux fois dauphin de M. Touadéra en 2016 et 2021 après des reports massifs de voix d’autres candidats sur son adversaire au deuxième tour.
Diplômé en gestion et en économie, formé en partie en France, il a déjà occupé des postes clés. Il fut ministre du Budget. Puis premier ministre sous Ange-Félix Patassé, dans les années 1990.
Il a ensuite rejoint la Banque des États d’Afrique centrale. Puis il a dirigé la Banque de développement de l’Afrique centrale pendant près de dix ans. Ses détracteurs le surnomment “Monsieur 10%”. Ils l’accusent d’avoir touché des pots-de-vin dans des contrats publics.
Chef de file de l’opposition, il a surpris en se retirant du Bloc pour la défense de la Constitution de 2016. Le BRDC avait décidé de boycotter le scrutin, dénonçant une “mascarade électorale”. Lui a choisi d’y aller. Et l’URCA a payé le prix. Le parti a été exclu du bloc d’opposition, accusé de “trahison”.
M. Dologuélé dénonce de nombreuses irrégularités dans la préparation du scrutin. Il accuse l’Autorité nationale des élections d’être partiale et incompétente. Et il alerte sur une dérive autoritaire du pouvoir.
– Henri-Marie Dondra
Longtemps proche de Faustin-Archange Touadéra, Henri-Marie Dondra, 59 ans, a rompu avec le pouvoir. Ancien ministre du Budget et ancien Premier ministre, il a quitté le gouvernement sur fond de désaccords. Et il se présente désormais comme opposant dans la course présidentielle.
Le fondateur du parti Les Réformateurs a par la suite rejoint le Mouvement Cœurs Unis (MCU) de M. Touadéra, créé en 2019. Il s’en affranchit après avoir démissionné du poste de Premier ministre et crée en 2023 l’Unité républicaine (UNIR), un parti se voulant centriste, qui se veut une passerelle entre le MCU et l’opposition.
Titulaire d’un master en finances, Henri-Marie Dondra a dirigé le Fonds africain de garantie et de coopération économique. Le FAGACE mobilise des ressources financières pour quatorze pays africains, dont la Centrafrique, ainsi que pour des acteurs privés.
En mars 2025, un mois avant son investiture, deux de ses frères ont été arrêtés. Ils sont accusés d’avoir tenté d’empoisonner le président et l’un de ses proches. L’un d’eux reste détenu, sans inculpation. Dondra dénonce un “montage grossier” et parle d’un “assassinat progressif de notre démocratie”.
– Serge Djorie
À la tête du Collectif d’alternance pour une nouvelle Centrafrique, il revient dans la course après une première tentative en 2021, où il n’avait recueilli que 0,5 % des suffrages. Son passage au gouvernement, comme ministre de la Communication et porte-parole jusqu’en janvier 2024, lui a donné une visibilité nationale, mais a aussi exposé les fragilités d’un pouvoir en recomposition permanente.
Médecin formé à Clermont-Ferrand, ancien chercheur en épidémiologie à l’Institut Pasteur de Bangui, il revendique une expertise scientifique et une rigueur technique. Cette double identité — politique et médicale — nourrit son récit : celui d’un homme qui veut soigner un pays malade de ses crises successives.
– Aristide Briand Reboas
À 46 ans, le leader du Parti chrétien démocrate tente une seconde entrée dans l’arène présidentielle. Sa première candidature, en 2021, s’était soldée par un score dérisoire de 0,41 %, mais il avait ensuite trouvé une place au sein du gouvernement, nommé ministre de la Jeunesse et des Sports durant le second mandat de Faustin-Archange Touadéra.
Son éviction lors du remaniement de janvier 2024, au profit d’Héritier Doneng — personnage controversé et chef d’une milice pro-gouvernementale — a marqué une rupture brutale dans son parcours.
Aujourd’hui, il revient avec un programme structuré autour de dix engagements, dont une promesse forte : apporter l’eau et l’électricité à tous les Centrafricains. Une ambition qui se veut à la fois sociale, symbolique et réparatrice, dans un pays où l’accès aux services essentiels reste un combat quotidien.
– Eddy Symphorien Kparekouti
À 56 ans, il cumule deux responsabilités clés : la présidence du Parti d’unité et de reconstruction et celle de l’Union des forces démocratiques de l’opposition. Ingénieur en génie civil, il s’est construit une image d’homme pragmatique, attaché aux solutions concrètes.
Son engagement contre la pauvreté, qu’il présente comme le fléau qui ronge le pays de l’intérieur, est devenu son cheval de bataille. Dans son discours, cette lutte dépasse la simple promesse électorale : elle incarne l’idée d’un redressement possible, d’un pays qui pourrait enfin reconstruire ses fondations sociales autant que politiques.
– Marcellin Yalamende
À 49 ans, il entre dans la course en solitaire, porté par une candidature indépendante qui tranche avec les appareils traditionnels. Pasteur évangéliste et entrepreneur dans le transport, il n’a jamais occupé de fonction politique et demeure un visage inconnu pour la majorité des Centrafricains.
Cette absence d’ancrage, il la revendique presque comme une force : il promet de conjuguer action publique et vision spirituelle, comme si la politique pouvait retrouver une dimension morale et transcendante. Sa présence dans la campagne ajoute une note inattendue, entre foi, ambition personnelle et quête de légitimité.
Source: Agence France-Presse















