Chrome et concurrence : Google a échappé mardi à l’obligation de se séparer de son navigateur, une mesure réclamée par le gouvernement américain. Un juge de Washington a rejeté cette demande, jugée trop risquée. Cependant, il a imposé à Google des contraintes strictes pour rétablir une concurrence équitable sur le marché du numérique. Cette décision marque un tournant dans la régulation des géants technologiques.
En août 2024, le juge Amit Mehta avait reconnu Google coupable d’avoir maintenu illégalement son monopole dans la recherche en ligne grâce à des accords de distribution exclusive à plusieurs milliards de dollars par an avec les constructeurs de smartphones comme Apple ou Samsung.
Il restait toutefois à connaître la peine de Google, finalement rendue mardi : le juge Mehta impose des exigences strictes à Google sur le partage des données afin de rétablir la concurrence dans la recherche en ligne, mais il ne l’oblige pas à céder son navigateur phare Chrome, comme exigé par le ministère américain de la Justice.
– Google échappe à la vente de Chrome –
Cette décision est l’une des plus importantes depuis deux décennies dans la lutte contre les pratiques monopolistiques des entreprises, et aurait pu radicalement bouleverser l’avenir du géant technologique.
Le gouvernement américain demandait au juge d’ordonner à Google de vendre son navigateur Chrome, de partager certaines données avec des concurrents, de ne plus payer Apple et d’autres sociétés pour installer son moteur de recherche par défaut sur leurs appareils, et de limiter ses investissements dans d’autres entreprises d’intelligence artificielle (IA).
Mais le juge lui a répondu qu’une vente de Chrome « serait extrêmement compliquée et très risquée », estimant que le ministère avait outrepassé ses droits en formulant cette demande.
« C’est un peu une victoire pour Google », au moins à court terme, « mais peut-être une victoire à la Pyrrhus » qui va les contraindre à réorienter leur stratégie commerciale future, a commenté Carl Tobias, professeur de droit à l’université de Richmond. « Ils ont évité le pire pour l’instant, mais ils sont sous surveillance. »
Dans la foulée de l’annonce, le cours d’Alphabet, maison mère de Google, augmentait de plus de 7 % vers 21 H 30 GMT dans les échanges électroniques après la fermeture de Wall Street. Apple prenait plus de 3 %.
– « Préjudices importants » –
Le magistrat estime aussi qu’une interdiction pure et simple des accords entre Google et les fabricants de téléphone n’était pas souhaitable, invoquant un risque trop important de répercussions sur d’autres entreprises.
« La suppression des paiements de Google entraînerait presque certainement des préjudices importants, voire paralysants dans certains cas, pour les partenaires de distribution, les marchés connexes et les consommateurs », précise le jugement.
En revanche, Google devra mettre à la disposition des « concurrents qualifiés » certaines données d’indexation de recherche et d’informations sur les interactions des utilisateurs pour que ses rivaux puissent améliorer leurs services.
L’entreprise devra également distribuer des résultats de recherche à ses concurrents, jusqu’à cinq ans dans certains cas.
La décision aborde aussi de manière spécifique la menace émergente que représentent les chatbots d’intelligence artificielle générative tels que ChatGPT, en étendant les restrictions afin d’empêcher Google d’utiliser des accords exclusifs pour dominer le secteur de l’IA.
Un comité technique supervisera la mise en œuvre des mesures correctives, qui prendront effet 60 jours après le prononcé du jugement définitif, censé être rendu plus tard, après un travail de concertation entre les parties d’ici au 10 septembre.
– Offensives anti-monopoles –
Google fait face à une autre affaire judiciaire, en Virginie, où une cour fédérale doit rendre sa décision finale concernant les activités publicitaires du géant du web : il y a quelques mois un juge a statué que Google détenait en la matière un monopole illégal qui étouffait la concurrence.
Ces affaires s’inscrivent dans le cadre d’une offensive plus large du gouvernement, aussi bien sous l’administration démocrate que celle des républicains, contre les géants de la technologie.
Les États-Unis ont actuellement cinq affaires antitrust en cours contre de grandes entreprises technologiques.
Outre le dossier antitrust contre Google et son moteur de recherche, les autorités américaines ont lancé une procédure contre Meta en 2020. Cette action a été engagée sous la première administration Trump. Elle vise les pratiques anticoncurrentielles du groupe, notamment autour de Facebook et Instagram. Le gouvernement accuse Meta d’avoir abusé de sa position dominante pour étouffer la concurrence. Ce dossier s’inscrit dans une série de poursuites visant les géants du numérique.
L’administration Biden poursuit sa lutte contre les géants du numérique. Elle maintient les poursuites engagées contre Google. Elle ouvre de nouveaux dossiers contre Apple et Amazon. La publicité en ligne reste au cœur des préoccupations. La régulation antitrust s’intensifie aux États-Unis.
Source : Agence France-Presse