Arrestations de deux journalistes au Sénégal : la répression s’invite dans les rédactions. La police a interpellé deux reporters directement sur leur lieu de travail. Motif : une interview accordée à Madiambal Diagne, patron de presse réfugié en France et visé par un mandat d’arrêt sénégalais. L’intervention s’est faite sans sommation. Dès mercredi, les protestations ont éclaté. Et dans ce pays longtemps présenté comme garant des libertés, la tension ne cesse de monter.
Maïmouna Ndour Faye arrêtée en pleine diffusion. La journaliste dirige 7TV. Son interview pré-enregistrée avec Madiambal Diagne passait à l’antenne. Et les gendarmes sont intervenus mardi soir. L’information a été confirmée par sa rédaction.
– Quand la parole dérange –
Des gendarmes armés ont fait irruption dans les locaux de 7TV. C’était mardi soir, pendant la diffusion de l’interview de Madiambal Diagne. Ils ont tenté d’embarquer Maïmouna Ndour Faye de force. La scène a choqué la rédaction. Et le rédacteur en chef, Séckou Diémé, l’a confirmé à l’AFP.
Maïmouna Ndour Faye est en garde à vue. Motifs : atteinte à la sûreté de l’État et à l’autorité de la justice. La mesure a été prise mercredi. Et l’un de ses avocats, Amadou Sall, l’a confirmé à l’AFP.
Babacar Fall interpellé mercredi matin. Le directeur de RFM venait d’interviewer Madiambal Diagne en direct. La police a fait irruption dans les locaux. Et elle est repartie avec Babacar Fall, menotté. L’information a été confirmée à l’antenne par un journaliste de la radio.
Depuis la France, Madiambal Diagne parle en wolof. Il affirme que son affaire est politique. Et il dit détenir des dossiers contre le Premier ministre Ousmane Sonko. L’interview relance les tensions. Et met le pouvoir face à ses promesses de rupture.
La police a relâché deux autres journalistes. Elle les avait interpellés en même temps que Babacar Fall. Ils travaillent pour le même groupe de presse. La direction de RFM a confirmé leur libération.
– Signaux télévisés suspendus –
Les autorités ont interrompu le signal de 7TV pendant plusieurs heures. Elles l’ont rétabli mercredi matin sur le câble. M. Diémé a confirmé l’information.
Les autorités ont coupé les signaux de 7TV et TFM sur la TNT. Ces chaînes appartiennent au même groupe que RFM. La Coordination des Associations de Presse (CAP) a annoncé la suspension. Elle intervient juste après les interpellations de plusieurs journalistes.
Les autorités sénégalaises ne s’étaient pas exprimées sur le sujet mercredi soir.
La presse proteste. La classe politique aussi. Les arrestations ont déclenché une vague d’indignation. Et le Sénégal s’enfonce dans la controverse.
Amnesty International et plusieurs ONG montent au créneau. Elles exigent la libération immédiate des deux journalistes arrêtés. Et elles dénoncent l’intrusion des forces de sécurité dans les médias. Coupure de signal, émissions interrompues : la répression s’intensifie.
– « Mesures disproportionnées » –
Dans un communiqué mercredi soir, l’organisation Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé « des mesures manifestement disproportionnées et inquiétantes ». « RSF demande aux autorités de libérer immédiatement Maimouna Ndour Faye et Babacar Fall et de recourir aux mécanismes de régulation existants en cas de litige avec des médias », ajoute le texte.
Les avocats de Madiambal Diagne réagissent. Ils disent avoir appris les arrestations avec stupéfaction. Et rappellent que leur client n’a aucune interdiction de s’exprimer publiquement. Pour eux, la procédure est injustifiée. Et l’interview ne viole aucune règle.
Madiambal Diagne visé par un mandat d’arrêt international. Patron du groupe Avenir Communication, il dirige Le Quotidien. Critique du pouvoir, il a été interpellé en France le 21 octobre. Puis relâché et placé sous contrôle judiciaire.
Le contrôle judiciaire de Madiambal Diagne a été levé mardi. Il reste convoqué par la justice française. L’audition est prévue le 4 novembre. Son avocat, Baboucar Cissé, l’a confirmé à l’AFP.
– De l’espoir à la répression –
Les autorités sénégalaises ont émis en septembre un mandat d’arrêt contre Madiambal Diagne, qui a fui le pays.
Madiambal Diagne avait été convoqué par la Dic. Motif : une enquête sur des transactions financières suspectes. Une épouse et deux de ses enfants sont en détention. L’affaire prend une tournure familiale. Et la pression judiciaire s’intensifie.
Les poursuites pour délits d’opinion se multiplient. Elles visent journalistes, opposants, voix critiques. Et cela dure depuis plusieurs mois. Le Sénégal, longtemps perçu comme stable et démocratique, vacille. La répression s’installe dans une région déjà sous tension.
Il y a 18 mois, Bassirou Diomaye Faye a été élu dès le premier tour. Son mentor, Ousmane Sonko, est devenu Premier ministre. Tous deux incarnent le parti souverainiste Pastef. Et leur arrivée au pouvoir avait suscité un immense espoir. Une partie de la société attendait une rupture nette.
Le duo Faye–Sonko avait promis une rupture. Une fin des méthodes du régime Macky Sall (2012–2024). Mais ce régime avait réprimé violemment les manifestations. Entre 2021 et 2024, des dizaines de morts. Et des centaines de blessés.
Source: Agence France-Presse
















