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Tribalisme et diversion : quand l’outrance masque les urgences

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Trans Afrique

Tribalisme et diversion du Prési Amot – La dernière sortie de Prési Amot sur les réseaux sociaux, en particulier sur Facebook, n’a laissé personne indifférent. Fidèle à son style provocateur, il s’est lancé dans une diatribe contre une partie de la diaspora camerounaise qu’il accuse de tribalisme, de frustration et de susceptibilité excessive. En répétant à l’envi le mot « BAMI », en appelant à la confrontation, et en moquant ceux qui s’indignent de ses propos, il prétend défendre le vivre ensemble tout en attisant les tensions. Une contradiction flagrante, mais surtout une occasion manquée de contribuer à un débat sérieux sur un sujet brûlant : l’instrumentalisation politique du tribalisme au Cameroun.

– Une rhétorique de la provocation –

Le texte publié par Prési Amot est un concentré de provocation calculée. Il oppose les « vrais Bamilékés », décrits comme simples et respectueux, à une diaspora jugée « très très tribaliste ». Ce groupe est accusé de vouloir imposer une lecture ethnique des rapports sociaux. Se présentant comme victime d’un système de surveillance communautaire, l’auteur insulte ouvertement ses détracteurs. Tout en revendiquant le droit de parler de toutes les ethnies, il refuse qu’on parle de lui. La dénonciation du tribalisme s’accompagne pourtant de comportements qui en reproduisent les mécanismes.

Ce type de discours, bien qu’enrobé d’un appel au vivre ensemble, repose sur une rhétorique de l’agression. Il essentialise les identités, attise les clivages, et détourne l’attention des vrais enjeux sociaux et politiques. Pour une diaspora qui pourrait être moteur de cohésion, de réflexion et de transformation, ce genre de sortie est un contre-exemple.

– L’illusion de l’antitribalisme par alliance –

Prési Amot met souvent en avant son mariage avec une femme bamiléké et sa paternité d’enfants bamilékés. Ce rappel lui sert d’argument identitaire dans ses prises de parole publiques. Mais cette réalité familiale ne suffit pas à effacer les discours ou comportements tribalistes. Il existe des Hébreux antisémites, des Noirs racistes, des femmes misogynes. L’appartenance biologique ou affective à un groupe ne garantit en rien l’absence de préjugés ou de stigmatisation. Ce raccourci est une forme de camouflage social, souvent utilisée pour se dédouaner tout en perpétuant les logiques de domination.

– Le tribalisme comme outil de pouvoir –

Le tribalisme au Cameroun n’est pas un simple réflexe communautaire. C’est un outil de pouvoir, une stratégie politique délibérée. La dictature en place l’utilise pour diviser, pour neutraliser les oppositions, pour verrouiller l’administration et les institutions. C’est factuel : la tribu gouvernante a envahi les rouages de l’État. Dans certaines régions, comme l’Ouest du Cameroun, il est devenu courant d’entendre les agents de l’État – du gendarme au préfet – s’exprimer en Bulu, la langue du président de la République. Une langue qui devient alors un marqueur de pouvoir, là où la diversité linguistique devrait être une richesse nationale.

Pendant des décennies, il était politiquement déconseillé de parler sa langue en public. Aujourd’hui, certaines langues sont devenues des outils de domination symbolique. Le tribalisme n’est pas un accident, c’est une construction.

– L’exclusion du Pr. Kamto : un révélateur –

La marginalisation du professeur Maurice Kamto, leader du MRC, est un exemple emblématique de cette instrumentalisation. Le système politique l’exclut, l’accuse de tribalisme et stigmatise ses partisans. Ces faits révèlent un verrouillage par des logiques ethniques. Ce cas ne relève pas de l’exception, mais illustre un mal plus profond. Une élite tribale confisque le pouvoir et instrumentalise l’ethnie pour bloquer la démocratie.

– La diaspora : entre responsabilité et diversion –

La diaspora camerounaise a un rôle crucial à jouer dans la transformation du pays. Elle dispose de ressources, de compétences, de réseaux, et d’une liberté d’expression que beaucoup n’ont pas au pays. Mais elle est aussi traversée par des tensions, des rivalités, et des dérives identitaires. Les réseaux sociaux sont devenus le théâtre de polémiques stériles, de règlements de comptes, et de provocations qui détournent l’attention des urgences politiques.

Dans ce contexte, la sortie de Prési Amot est non seulement maladroite, mais dangereuse. Elle brouille les lignes, elle polarise le débat, elle renforce les clivages. Et surtout, elle détourne les regards des vrais enjeux : la gouvernance, la justice, la transparence, l’éducation civique.

– Une réponse nécessaire, mais stratégique –

Il serait tentant de répondre à cette provocation par une contre-provocation. Mais ce serait tomber dans le piège tendu. Ce qu’il faut, c’est une réponse stratégique, structurée, et responsable. Une réponse qui rappelle les faits, qui déconstruit les mécanismes d’exclusion, et qui réaffirme les principes du vivre ensemble. Une réponse qui ne se laisse pas entraîner dans des polémiques émotionnelles, mais qui reste concentrée sur les enjeux réels.

Une fois de plus, Prési Amot a manqué l’occasion de se taire. Son intervention, loin d’apaiser les tensions, les exacerbe par une rhétorique provocatrice et une lecture simpliste des enjeux identitaires.

Pourtant, il serait malhonnête de nier son influence dans la diaspora camerounaise. Son rôle, bien que controversé, reste significatif dans l’animation des débats publics. Et même si nous n’avons pas toujours été en accord avec ses prises de position, nous avons toujours respecté son droit à les exprimer.

Mais ce droit s’accompagne d’une responsabilité : celle de ne pas détourner les regards des véritables urgences politiques, ni de banaliser les mécanismes d’exclusion qui gangrènent notre société. Le tribalisme n’est pas un jeu de mots, c’est une arme politique. Et il est temps que les voix de la diaspora s’élèvent pour le déconstruire, non pour le caricaturer.

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