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Au Kenya, cinq petits villages et une forêt au cœur de la course mondiale aux terres rares

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Trans Afrique

Les terres rares au Kenya attisent les convoitises. Près de la côte, cinq villages et une forêt deviennent un enjeu stratégique. Chine et États-Unis s’y positionnent. Le jeu géopolitique s’accélère. Et les habitants, eux, subissent.

À l’ombre des arbres sacrés de Mrima Hill, une colline paisible près de la frontière tanzanienne, le sol murmure des promesses de puissance. Le niobium, enfoui sous ses racines, attise les convoitises.

Ce métal, clé du renforcement de l’acier, transforme la forêt en cible stratégique. Les visiteurs étrangers affluent, porteurs d’intérêts opaques et de promesses incertaines. Mais pour les communautés locales, cette terre n’est pas une ressource : c’est un sanctuaire. Et chaque pas étranger résonne comme une menace.

Mrima Hill ne couvre que 3,6 km². Mais son sous-sol vaut de l’or. En 2013, Cortec Mining Kenya l’a estimé à 62,4 milliards de dollars. Le gisement attire les puissances. Et les convoitises s’aiguisent.

La course mondiale aux terres rares s’intensifie. En juin, Marc Dillard, ex-ambassadeur par intérim des États-Unis au Kenya, s’est rendu à Mrima Hill. Des villageois l’ont vu. L’ambassade américaine a confirmé. Et les enjeux se précisent.

Washington cible les minerais critiques. En Afrique, c’est devenu une priorité diplomatique. Objectif : contrer la domination chinoise. La compétition s’intensifie. Et les alliances se redessinent.

La Maison Blanche célèbre un accord de paix entre le Rwanda et la RDC. Le pays regorge de minerais. Mais l’est reste instable. Et les tensions ne disparaissent pas.

– « Grosses voitures » –

Peu avant la venue du représentant américain, un consortium australien avait fait en avril une offre pour exploiter les terres rares. Des ressortissants chinois ont également récemment tenté de visiter les lieux, où les spéculateurs fonciers affluent, affirme Juma Koja, un gardien de la communauté.

« Les gens viennent ici dans de grosses voitures (…), mais nous les refoulons », assure-t-il à l’AFP, dont une équipe a dans un premier temps également été interdite d’accès à la forêt. « Je ne veux pas que mon peuple soit exploité », justifie-t-il.

Le gardien craint des dommages environnementaux irréversibles, notamment la perte d’arbres indigènes uniques comme la grande orchidée, déjà menacée alors que l’exploitation minière n’a pas encore débuté. « Dans mon cœur, je pleure » à cette pensée, confie-t-il.

La forêt luxuriante, riche en plantes médicinales, abrite en outre des sanctuaires sacrés et assure depuis longtemps la subsistance de la population, bien que plus de la moitié de celle-ci vive aujourd’hui dans une pauvreté extrême, selon des données gouvernementales.

La communauté locale s’inquiète surtout d’être expulsée du fait de l’exploitation du niobium dont elle ne toucherait rien. « Où nous emmèneront-ils? », angoisse Mohammed Riko, 64 ans, vice-président de l’Association communautaire de la forêt de Mrima Hill. « Mrima est notre vie. »

Le Kenya a imposé en 2019 une interdiction nationale sur les nouvelles licences minières en raison de préoccupations concernant la corruption et la dégradation de l’environnement, interdiction qu’il a progressivement assouplie depuis.

La Chine limitant de plus en plus ses propres exportations de terres rares, Nairobi voit désormais des opportunités à saisir.

– « Mourir pauvres » –

Le ministère des Mines kenyan a annoncé cette année des « réformes audacieuses », notamment des allégements fiscaux et une transparence accrue des licences, visant à attirer les investisseurs et à faire passer le secteur de 0,8 % du PIB à 10% d’ici 2030.

Mais le Kenya manque de données précises sur ses sols, estime Daniel Weru Ichang’i, professeur retraité de géologie économique à l’Université de Nairobi.

« Il existe une vue romantique des mines, qui sont perçues comme un secteur où l’on fait de l’argent facilement. Il faut que nous redescendions sur terre », observe-t-il.

La corruption, très répandue au Kenya, « rend moins attractif ce secteur, déjà à très haut risque » pour d’éventuels investisseurs, poursuit Daniel Weru Ichang’i.

En 2013, le Kenya avait révoqué la licence minière accordée à Cortec Mining Kenya, invoquant des irrégularités environnementales et de licence. L’entreprise affirme de son côté s’être vue sanctionnée pour avoir refusé de payer un pot-de-vin au ministre des Mines de l’époque, ce que celui-ci nie. Elle a perdu son recours devant un tribunal international.

Domitilla Mueni, trésorière de l’Association de Mrima Hill, espère malgré tout d’importantes retombées. Elle-même a planté des arbres sur son terrain et l’a cultivé — afin de maximiser les profits au cas où des entreprises minières voudraient le racheter.

Et de s’interroger: « Pourquoi devrions-nous mourir pauvres alors que nous avons des minerais? »

Source: Agence France-Presse

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