Le monde ne doit pas se laisser intimider par Israël et réduire son soutien aux Palestiniens, a déclaré vendredi le chef de l’ONU à l’AFP avant le sommet annuel de l’organisation où il plaidera pour un cessez-le-feu à Gaza mais aussi une action renforcée pour le climat.
« Il y a eu une progression constante des mesures du gouvernement israélien pour complètement détruire Gaza et mettre en place une annexion insidieuse de la Cisjordanie », a dénoncé Antonio Guterres.
Avec la reconnaissance de l’État palestinien prévue lundi lors d’un sommet à l’ONU par la France et plusieurs autres pays, des responsables israéliens ont ouvertement menacé Paris de représailles diplomatiques, mais aussi d’annexer la Cisjordanie, occupée par Israël depuis 1967.
Mais pour Antonio Guterres, quel que soit le « prétexte » utilisé par Israël pour sa politique dans les territoires palestiniens ou contre des capitales affichant leur soutien à un État palestinien, il s’agit en fait « d’une action constante, étape par étape, mise en place par le gouvernement d’Israël pour ne pas permettre aux Palestiniens d’avoir un État ».
« Nous ne devons pas nous sentir intimidés par le risque de représailles, parce que, quoi que nous fassions, ces actions vont continuer. »
« Il est important qu’ils (Israël) se sentent de plus en plus isolés pour pouvoir changer », a-t-il insisté.
– Guterres dénonce une crise « intolérable » –
Pour lui, la solution à deux États, israélien et palestinien vivant côte à côte en paix et en sécurité, est la seule possible.
« Quelle est l’alternative ? Une solution à un État où des millions de Palestiniens seront soit expulsés soit soumis à l’occupation, l’assujettissement, la discrimination, sans droits sur leur propre terre ? C’est totalement inacceptable au XXIᵉ siècle. »
Il a ainsi salué comme un « symbole extrêmement important » les reconnaissances de la Palestine attendues lundi, notamment par la France.
Critiqué régulièrement par Israël, Antonio Guterres ne modère pas ses propos. Il décrit sans détour la situation à Gaza, ravagée par près de deux ans de guerre. Ce conflit, déclenché par l’attaque du Hamas le 7 octobre 2023, a plongé la bande de Gaza dans une crise humanitaire majeure. Le chef de l’ONU parle d’un niveau de destruction « probablement jamais vu de toute [sa] vie ».
Antonio Guterres ne mâche pas ses mots. Selon lui, Gaza traverse « le pire niveau de mort et de destruction » qu’il ait vu, « probablement de toute [sa] vie ». Cette déclaration, faite à l’AFP, souligne l’ampleur du drame humanitaire. Le secrétaire général évoque une situation « moralement, politiquement et légalement intolérable ».
« La souffrance du peuple palestinien ne peut pas être décrite. Famine, absence totale de soins de santé efficaces, des gens qui vivent sans abris adéquats dans des zones surpeuplées où les maladies peuvent se propager. »
« Je pense fermement que c’est moralement, politiquement et légalement intolérable », a-t-il répété.
– 1,5°C « sur le point de s’effondrer » –
Pour la première fois, une commission d’enquête internationale mandatée par l’ONU accuse Israël de « génocide » à Gaza. Mais Antonio Guterres refuse d’employer ce terme. Sans décision de justice, le secrétaire général s’en tient à une ligne stricte. Selon lui, le problème n’est pas le mot, mais la réalité sur le terrain. Et cette réalité, dit-il, « devrait tous nous mobiliser ».
« Soyons clair, le problème n’est pas le mot, le problème est la réalité sur le terrain. Et la réalité sur le terrain est terrible, c’est quelque chose qui devrait tous nous mobiliser. »
L’avenir des Palestiniens sera au cœur de l’Assemblée générale de l’ONU. Mais Antonio Guterres élargit l’agenda. Mercredi, il a décidé de braquer les projecteurs sur les dangers climatiques. À quelques semaines de la COP 30 au Brésil, le secrétaire général veut relancer l’urgence écologique. Ce sommet, placé sous tension diplomatique, mêle enjeux humanitaires et environnementaux.
Les objectifs climatiques pour 2035 des pays signataires de l’accord de Paris, aussi appelés contributions déterminées au niveau national (NDC en anglais), étaient attendus voici plusieurs mois. Mais des dizaines manquent encore, dont ceux de la Chine et de l’Union européenne.
– Climat, multilatéralisme, pression : Guterres hausse le ton –
Antonio Guterres appelle les pays à agir. Selon lui, ils doivent présenter des plans climatiques alignés sur l’objectif de 1,5°C. Ces stratégies, dit-il, doivent couvrir l’ensemble de leur économie et toutes leurs émissions. Il craint que les contributions nationales (NDC) ne soient pas à la hauteur de l’accord de Paris. Ce seuil, jugé crucial, reste le plus ambitieux du cadre multilatéral.
L’objectif des 1,5°C vacille. Antonio Guterres alerte : il faut « mettre toute la pression possible » pour obtenir des engagements nationaux acceptables. Selon lui, ce risque d’effondrement climatique justifie une mobilisation immédiate. À quelques semaines de la COP30, le secrétaire général appelle à des plans d’action alignés sur l’accord de Paris.
Ce n’est pas une raison de paniquer. Mais si les plans ne répondent pas aux besoins, il faudra agir vite. Antonio Guterres insiste : il faut « mettre autant de pression que possible pour corriger au plus vite ». Selon lui, l’urgence climatique impose des réponses concrètes et immédiates.
Alors que l’ONU fête ses 80 ans, le contexte reste marqué par une tempête diplomatique et financière. Malgré les tensions, Antonio Guterres affirme que l’organisation jouera un rôle « grandissant ». Selon lui, les institutions multilatérales seront « plus nécessaires que jamais ». Ce cap symbolique, célébré dans un climat de crise, relance le débat sur leur réforme.
« Nous sommes dans une période de chaos (…) Le monde est de plus en plus multipolaire, et la vérité est que les institutions multilatérales seront plus nécessaires que jamais. Mais bien sûr elles doivent être réformées. »
Source : Agence France-Presse