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Réélection contestée de Paul Biya au Cameroun : Douala se fige, Yaoundé résiste

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Lundi, la réélection contestée de Paul Biya a révélé un Cameroun fracturé. À Douala, la peur et la colère ont paralysé la ville. Rues désertes, boutiques closes : l’appel à la désobéissance civile a pris la forme d’un silence pesant. À 92 ans, Paul Biya s’apprête à entamer un huitième mandat, mais pour une partie du pays, ce nouveau chapitre commence dans le retrait et la tension.

L’opposition, par cette opération « villes mortes », voulait marquer une rupture. Mais à Yaoundé, la capitale, le quotidien a repris ses droits. Écoliers en uniforme, bureaux ouverts, circulation dense : comme si rien n’avait changé.

Ce contraste, observé par les journalistes de l’AFP, symbolise une fracture plus profonde — entre contestation et résignation, entre périphérie et pouvoir.

– Trois jours de silence pour dire non –

Issa Tchiroma, figure déjà marquée par les violences post-électorales à Douala, où quatre morts ont été recensées selon le gouverneur, a ravivé la colère. Son appel : silence dans les rues, portes closes, citoyens retranchés.

Un geste simple — rester chez soi — pour exprimer un refus profond. Contre le huitième mandat de Paul Biya, 92 ans, ce retrait devient acte politique. « Témoigner de leur mécontentement », a-t-il lancé. Dans un pays où la parole publique coûte cher, l’absence devient message.

« Je demande à tous les Camerounais, où qu’ils se trouvent, de rester à la maison pendant trois jours. Ces villes mortes participent de la résistance », avait-il appelé dans une vidéo postée dans la nuit de dimanche à lundi sur son compte Facebook.

À Douala, la capitale économique, il a été largement suivi. Les rues étaient moins fréquentées que d’ordinaire, des commerces et des écoles fermés, a constaté un journaliste de l’AFP.

Dans une ville figée par la peur, Cédric fait exception. À 29 ans, vendeur de pièces détachées de téléphone, il a levé le rideau de son échoppe. Un geste simple, mais lourd de sens.

Il n’a pas le luxe de l’attente ni celui du silence. Chaque jour sans vente est une menace pour sa famille. « J’ai une famille à nourrir, j’ai des responsabilités », lâche-t-il à l’AFP. Son choix incarne une autre forme de résistance : celle de ceux qui n’ont pas le choix.

– Garoua s’immobilise, Yaoundé s’active –

À Garoua, dans le Grand Nord, le silence s’est installé. Les rues se sont vidées, les boutiques ont baissé leurs rideaux. Pas par adhésion, mais par crainte.

Un commerçant, qui préfère rester anonyme, confie : « J’ai peur qu’on vienne brûler ma boutique. Ne pas ouvrir ne veut pas forcément dire qu’on soutient cela, mais il y a un danger. »

Ce témoignage illustre une tension sourde : celle d’un pays où l’incertitude économique se mêle à la peur politique, et où chaque geste — même l’inaction — devient un choix risqué.

À Yaoundé, en revanche, la vie a repris son cours: commerces ouverts, enfants à l’école et employés au travail.

Face à la montée de la contestation, le gouvernement durcit le ton. Dimanche, René Emmanuel Sadi, ministre de la Communication, a dénoncé ce qu’il qualifie d’ »appels à l’insurrection ».

Les opérations « villes mortes », les gestes de désobéissance civile, sont pour lui autant de menaces contre « la vie de la nation, la paix sociale et le développement économique ».

Dans un climat de défiance, il tente de rassurer : « Il n’y a pas eu d’usage disproportionné de la force publique. » Mais ses mots, loin d’apaiser, cristallisent les tensions. Le pouvoir campe sur ses positions, pendant que le pays vacille entre colère et résignation.

Depuis 1982, Paul Biya incarne le pouvoir au Cameroun. À 92 ans, il s’apprête à entamer un huitième mandat. Sa prestation de serment doit avoir lieu d’ici le 10 novembre, comme le prévoit le code électoral.

Pour le gouvernement, le débat est clos : « L’élection présidentielle relève désormais du passé. » Mais ce passé, pour beaucoup, reste un présent brûlant. Tandis que le protocole avance, la rue hésite, et le pays s’interroge sur ce que signifie encore le mot « alternance ».

Source: Agence France-Presse

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