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Cameroun : sortir de la crise, ouvrir le jeu démocratique, et refuser l’homme imposé

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Trans Afrique

Le Cameroun s’enfonce dans une zone de turbulence où les fondements de l’État chancellent. La légitimité ne convainc plus, la souveraineté se fragmente, la stabilité se fissure. Les trois piliers de l’ordre républicain vacillent ensemble, sous le poids d’une crise post-électorale profonde. Dans ce contexte, une seule voie reste viable : ouvrir le jeu démocratique. Non comme geste technique, mais comme acte de refondation. Car sans ouverture, il n’y aura ni apaisement ni souveraineté retrouvée.

Dans l’ombre, le précédent ivoirien rôde, brandi comme menace ou modèle. Mais toute solution imposée porterait en elle les germes d’un chaos durable. Une seule voie demeure : ouvrir le jeu démocratique, non pour sauver les apparences, mais pour refonder le socle.

Il faut ritualiser la transition, non comme un repli, mais comme un acte de souveraineté retrouvée.

– État des lieux : une crise multidimensionnelle –

Depuis l’annonce des résultats contestés de la présidentielle d’octobre 2025, le Cameroun s’enfonce. La rue gronde. Le pouvoir réprime. Les institutions vacillent. La crise est profonde, brutale, immédiate.

Autoproclamation prématurée : Issa Tchiroma Bakary s’est déclaré président avant même la validation officielle des résultats, déclenchant une onde de choc politique.

Violences urbaines : Douala, Bertoua, Bafoussam, Mbanga et d’autres villes ont été le théâtre d’affrontements, de barrages, d’incendies et de répression armée. Le sang a coulé.

Des commissariats ont été encerclés, assiégés parfois. Des infrastructures, symboles d’un ordre vacillant, ont été réduites en cendres. Le territoire ne se contente plus de protester : il résiste, il fracture, il appelle.

Paralysie économique : Les PME ont suspendu leurs activités, les transporteurs refusent de circuler, et les stations-service incendiées menacent l’approvisionnement national.

Fracture institutionnelle : La confiance envers les institutions électorales et sécuritaires est rompue. Le Conseil constitutionnel est accusé de partialité. L’armée ne parle pas. Mais elle observe. Elle reste en alerte.

Ce climat instable appelle une sortie de crise structurée, lucide et souveraine.

– Trois scénarios de sortie : entre impasse et refondation –

Premier scénario : la transition négociée. C’est la voie souhaitable, mais incertaine. Elle suppose un dialogue national inclusif entre pouvoir, opposition, société civile et diaspora.

Elle exige une réforme du code électoral, une refonte des institutions de validation et une levée des mesures répressives. Ce scénario nécessite une pression populaire soutenue et une médiation africaine crédible. Il est difficile, mais porteur d’avenir.

Deuxième scénario : la radicalisation du pouvoir. Ce scénario est déjà en cours. Il se traduit par une répression accrue, des arrestations ciblées, un couvre-feu prolongé et un narratif sécuritaire pour justifier les violences.

Le blocage économique s’aggrave, les pénuries s’installent et les capitaux fuient. Ce scénario mène à l’asphyxie politique et sociale. Il ne résout rien, il suspend tout.

Troisième scénario : l’implosion institutionnelle. C’est le scénario extrême. Il implique l’effondrement de l’autorité centrale, la fragmentation territoriale — notamment dans les zones anglophones ou frontalières — et le risque d’intervention extérieure ou de guerre civile.

Ce scénario reste marginal, mais devient plausible si aucune solution politique n’émerge rapidement.

– Le miroir ivoirien : une illusion géopolitique –

Certains brandissent le précédent ivoirien de 2010, où Alassane Ouattara s’est imposé face à Laurent Gbagbo. Mais appliquer ce schéma au Cameroun de 2025 fausse les rapports de force.

Ouattara disposait d’un appui international clair. L’ONUCI certifiait son élection. La CEDEAO, l’Union africaine, la France et les États-Unis soutenaient sa position. Les Forces Nouvelles contrôlaient le terrain.

L’armée française renforçait le rapport de force. Et surtout, une mission onusienne agissait avec mandat. Résultat : la bascule fut rapide.

Au Cameroun, aucun organe international n’a certifié les résultats. Aucune mission électorale n’est active. Aucun consensus diplomatique ne désigne un vainqueur légitime.

L’armée camerounaise reste centralisée, loyale au pouvoir, et aucune faction dissidente ne s’est manifestée. Enfin, le Cameroun joue un rôle stabilisateur en Afrique centrale, et sa déstabilisation risquerait d’embraser la sous-région — du Tchad à la République centrafricaine.

Dans ce contexte, Issa Tchiroma Bakary ne peut pas être intronisé comme Ouattara. Il ne bénéficie ni d’un mandat international, ni d’un verrou militaire, ni d’un appui diplomatique structurant.

Le terrain camerounais refuse la copie. La crise suit une autre logique, plus diffuse, plus populaire, plus incertaine. Et toute tentative de transposition ne ferait qu’aggraver la fracture.

Son autoproclamation, sans cadre légal ni reconnaissance populaire ou diplomatique, ne tient pas face à la réalité institutionnelle et géopolitique du Cameroun.

– La solution idéale : ouvrir le jeu, pas imposer un homme –

La pression internationale, si elle doit exister, doit viser l’ouverture du jeu démocratique — non l’intronisation d’un homme. La seule sortie de crise viable repose sur :

Un pacte de transition souveraine, fondé sur le dialogue, la réforme et la reconnaissance mutuelle. La transition ne peut venir d’ailleurs. Elle doit être ritualisée. Structurée. Et surtout, portée par les Camerounais eux-mêmes.

Une mobilisation citoyenne pacifique, pour accompagner la refondation, documenter les abus et exiger des garanties.

Une médiation africaine crédible, par des figures morales, religieuses ou institutionnelles respectées, capables de garantir la neutralité.

Une protection des PME et des infrastructures vitales, pour éviter l’effondrement économique et préserver les conditions de vie.

Une narration symbolique de la souveraineté retrouvée, par la littérature, le sport, la spiritualité et la mémoire historique. Le Cameroun doit réactiver son imaginaire collectif.

Le Cameroun n’a pas besoin d’un homme imposé. Il a besoin d’un peuple reconnu.
La crise actuelle n’est pas une simple querelle électorale. C’est une épreuve de souveraineté.

Elle ne se résoudra ni par la force, ni par l’ingérence, ni par la précipitation. Elle exige une refondation politique, une reconnaissance populaire et une ritualisation de la transition.

Le rêve d’intronisation unilatérale est terminé. Le temps est venu d’ouvrir le jeu, de reconnaître le peuple et de refonder la République.

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