Chaque 1er du mois, 42 millions d’Américains dépendent de l’aide alimentaire fédérale américaine pour se nourrir. Ce pilier social, en place depuis plus de 60 ans, vacille. Le blocage budgétaire paralyse les versements. Résultat : l’insécurité alimentaire progresse. Et la crise sociale s’aggrave.
Vendredi, un juge fédéral a ordonné au gouvernement d’utiliser des fonds d’urgence. Objectif : maintenir le programme SNAP. Décision prise in extremis. Le risque d’interruption était réel.
Le ministère de l’Agriculture a tranché : aucun versement samedi. Le « shutdown » bloque les fonds. L’aide est suspendue. L’attente commence.
Pour Meredith Niles, spécialiste des politiques alimentaires à l’université du Vermont, le constat est sans appel : « C’est une situation vraiment sans précédent.» Les États-Unis ont déjà traversé des shutdowns.
Mais jamais l’un d’eux n’avait menacé aussi directement la survie alimentaire de dizaines de millions de citoyens. Ce moment marque un basculement. Quand l’impasse politique met en péril l’accès à la nourriture, c’est la légitimité même des institutions qui vacille.
Comment ça marche ?
Les coupons alimentaires sont nés dans les années 1930, en pleine Grande Dépression. Le programme SNAP, lui, a été lancé en 1964. Il devient national en 1974. Mme Niles rappelle ces étapes clés.
Aujourd’hui, près de 42 millions de personnes, soit un habitant sur huit, en bénéficient chaque mois sous conditions de ressources, selon le ministère de l’Agriculture. Cela coûte près de 100 milliards de dollars au budget fédéral.
Les bénéficiaires détiennent une carte de paiement, similaire à une carte de débit, qu’ils peuvent utiliser dans les supermarchés, épiceries ou certains marchés fermiers. Le système recharge automatiquement les cartes chaque 1er du mois.
« Loin d’être quelque chose d’abstrait, c’est un programme très important pour de nombreux Américains », reprend la professeure Niles. « Les foyers bénéficiaires reçoivent en moyenne six dollars par jour et par personne. »
Ils ne peuvent acheter ni alcool ni plats préparés. Une dizaine d’États vont aussi exclure l’achat de sodas à compter de janvier.
Sont autrement couverts les fruits, légumes, conserves, chips, pâtes…
Quel impact?
Le programme SNAP finance 9 % des courses alimentaires aux États-Unis. Meredith Niles le rapporte. L’impact est massif, quotidien, concret.
Un quart des bons alimentaires sont dépensés chez Walmart. Le géant capte une part massive de cette aide. L’impact économique est colossal.
Si les versements s’arrêtent, l’économie perd des milliards. Mme Niles le souligne : l’impact dépasse la seule aide alimentaire. C’est tout un pan de la consommation qui vacille.
Les ménages s’adapteront. Comment ? En puisant dans leurs réserves, certains sauteront des repas, d’autres repousseront les soins médicaux ou les paiements. Mme Niles s’attend à ces sacrifices.
Les versements seront rétroactifs. C’est ce qu’annonce le ministère de l’Agriculture. Une fois le blocage levé, les ménages recevront leurs allocations. Encore faut-il que l’impasse se débloque.
La question transcende les clivages politiques.
Le programme SNAP traverse les lignes partisanes. Selon une analyse de l’AFP, environ 18 millions de bénéficiaires vivent dans des États ou districts ayant voté pour Kamala Harris lors de la dernière présidentielle.
Et près de 23,7 millions résident dans des zones acquises à Donald Trump. Cette répartition révèle une vérité essentielle : la précarité ne connaît ni camp ni couleur politique. Elle unit, dans la même attente, des millions d’Américains que tout oppose — sauf la faim.
Sans versement, les États renvoient les bénéficiaires vers les banques alimentaires. Ces dernières s’attendent à être débordées. La pression monte. Les ressources manquent.
« Elles ne peuvent pas combler le vide », avertit la professeure du Vermont. Depuis la pandémie, la précarité alimentaire a explosé. Les banques alimentaires sont dépassées.
En 2023, 13,5 % des foyers américains souffraient d’insécurité alimentaire. C’est un record depuis 2014. L’accès à une nourriture suffisante et de qualité n’est plus garanti.
Le ministère de l’Agriculture a décidé en septembre de stopper ce recensement.
Source: Agence France-Presse
















