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Frappes américaines au Nigeria : une opération ciblée qui soulève de nombreuses questions

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Frappes américaines au Nigeria. Le jour de Noël, les États‑Unis ont visé des groupes jihadistes dans le nord‑ouest du Nigeria. Une opération ciblée, mais qui soulève encore de nombreuses questions — sur ses modalités, sur ses objectifs réels et sur la stratégie plus large qu’elle laisse entrevoir.

Derrière l’annonce officielle, un flou demeure. Et ce flou nourrit l’idée d’une intervention plus complexe qu’elle n’y paraît, inscrite dans un jeu régional instable où chaque frappe redessine les équilibres.
Voici ce que l’on peut en comprendre pour l’instant.

– Qui est impliqué?

Donald Trump a été le premier à annoncer les frappes. Puis Washington et Abuja ont précisé qu’elles avaient été menées conjointement, avec l’accord du président nigérian Bola Tinubu. Une clarification importante. Et un signal d’action coordonnée.

Selon le ministre nigérian de l’Information, Mohammed Idris, l’attaque a été menée avec la « pleine implication des Forces armées du Nigeria ». Une précision qui confirme l’engagement d’Abuja. Et qui renforce l’idée d’une opération conjointe assumée.

– Quel groupe a été visé?

Les États‑Unis affirment avoir visé des militants liés au groupe État islamique. Le commandement américain pour l’Afrique évoque plusieurs victimes, sans plus de précisions.

Donald Trump assure que « tous les camps » jihadistes ciblés ont été « décimés ». Une déclaration martiale. Et un bilan encore flou.

Il n’y a eu aucune victime civile, selon Abuja. Une affirmation rapide. Et un point que les autorités veulent verrouiller.

Le gouvernement nigérian affirme que deux importantes implantations de l’État islamique, situées dans la forêt de Bauni, dans l’État de Sokoto, ont été frappées. D’autres cibles se trouvaient, selon Abuja, dans l’État voisin de Kwara. Une précision qui élargit le périmètre de l’opération. Et qui montre l’ampleur de la campagne menée.

Les analystes s’interrogent sur le choix de frapper l’État de Sokoto, dans le nord‑ouest du Nigeria. Dans cette région, les gangs armés non idéologiques, les « bandits », représentent une menace bien plus pressante que les jihadistes. Une décision surprenante. Et un ciblage qui soulève des doutes.

L’opération a peut‑être manqué ses cibles jihadistes. Ou, comme l’affirment les responsables américains et nigérians, elle pourrait n’être que la première d’une série. Une incertitude qui plane. Et une suite qui se prépare peut‑être déjà.

Mais c’est le nord‑est du Nigeria, et non l’État de Sokoto dans le nord‑ouest, qui reste l’épicentre de l’insurrection jihadiste. Une zone ravagée depuis des années. Et le véritable cœur du conflit.

« Si vous voulez frapper, ce ne devrait pas être dans les zones les moins touchées », estime Victoria Ekhomu, analyste et directrice de l’Association des opérateurs nigérians de sécurité.

Elle pointe des cibles plus évidentes : l’État de Borno, dans le nord‑est, véritable épicentre du jihadisme au Nigeria. Une critique nette. Et un rappel des priorités du terrain.

– Comment ont été lancées les frappes?

Selon le ministre nigérian de l’Information, Mohammed Idris, les États‑Unis ont mobilisé 16 missiles guidés lancés depuis des drones MQ‑9 Reaper évoluant à moyenne altitude.

Un choix technologique qui en dit long : ces appareils, conçus pour frapper avec précision tout en restant hors de portée, incarnent la projection de puissance américaine.

Le détail n’est pas anodin. Il souligne la volonté de Washington de mener une opération calibrée, maîtrisée, mais aussi visible. Et il rappelle que, derrière chaque frappe, il y a autant une démonstration de force qu’un objectif militaire.

« Les frappes ont été lancées depuis des plateformes maritimes basées dans le golfe de Guinée », a‑t‑il indiqué. Un détail stratégique. Et un indice sur l’ampleur du dispositif américain.

Une vidéo d’une dizaine de secondes, publiée par le ministère américain de la Défense sur X, semble montrer le tir nocturne d’un missile depuis le pont d’un navire de guerre américain. Une séquence brève. Et un indice visuel sur le dispositif engagé.

– Quelle présence jihadiste?

Depuis 2009, le Nigeria affronte une insurrection jihadiste dans le nord‑est du pays. Boko Haram et la Province d’Afrique de l’Ouest de l’État islamique y mènent une guerre continue. Un conflit enraciné. Et un front qui ne s’est jamais vraiment apaisé.

Dans le nord‑ouest, plusieurs autres groupes ont émergé, certains liés aux jihadistes du nord‑est. Ils se sont implantés progressivement. Et ils compliquent encore davantage le paysage sécuritaire.

Des chercheurs ont récemment établi un lien entre le groupe armé Lakurawa — principal mouvement jihadiste de l’État de Sokoto — et l’État islamique au Sahel (ISSP), actif surtout au Niger et au Mali. Une connexion inquiétante. Et un signe d’extension régionale.

D’autres analystes contestent ces liens. Les recherches sur Lakurawa restent difficiles : le terme a servi à désigner des combattants armés très différents dans le nord‑ouest du pays. Une confusion persistante. Et un concept encore flou.

On craint désormais que le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), affilié à Al‑Qaïda, cherche à s’implanter au Nigeria. L’inquiétude a grandi après une attaque revendiquée par ses combattants en octobre, à la frontière entre le Nigeria et le Bénin. Un signal d’alerte. Et un risque d’extension du conflit sahélien.

– Pourquoi maintenant?

En octobre et novembre, le président Donald Trump a brusquement pris pour cible le Nigeria, accusant son gouvernement de laisser se produire un « génocide » contre les chrétiens.

Une expression chargée, longtemps utilisée par la droite religieuse américaine et européenne pour désigner les multiples conflits qui secouent le pays. Une attaque inattendue. Et un discours qui ravive les tensions

Le gouvernement nigérian, ainsi que plusieurs analystes indépendants, rejette ces accusations. Ils rappellent que les nombreux conflits qui secouent le pays — souvent simultanés — touchent indistinctement les civils musulmans et chrétiens. Une réalité plus complexe. Et un terrain loin des récits simplifiés.

Après des semaines de collecte de renseignements — alimentée notamment par des vols de reconnaissance américains analysés en open source —, le choix de frapper Sokoto le jour de Noël n’a sans doute rien d’un hasard. Une date chargée. Et un signal envoyé avec précision.

« Le fait que ce soit Noël, alors que nous essayons de célébrer la naissance de Jésus‑Christ », estime Mme Ekhomu, suggère que Donald Trump « suive son propre agenda et qu’il se concentre sur les chrétiens ». Une lecture critique. Et une accusation qui ajoute une dimension politique au choix de la date.

Sur X, l’analyste en sécurité Brant Philip a estimé que le timing constituait « un début symbolique des opérations officielles des États‑Unis au Nigeria ». Selon lui, « les résultats opérationnels des frappes ne sont pas significatifs, mais on s’attend à beaucoup plus dans un avenir proche ».

Une lecture qui replace l’opération dans une dynamique plus large. Et qui laisse entrevoir une montée en puissance.

Source: Agence France-Presse

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