Un responsable de l’opposition en Guinée, Abdoul Sacko, a été arrêté mercredi matin par des hommes « encagoulés » à son domicile en banlieue de Conakry, selon sa famille et son avocat.
M. Sacko est un des responsables des Forces vives de Guinée, une coalition des principaux partis, de syndicats et d’organisations non-gouvernementales qui réclame un retour des civils au pouvoir dans ce pays d’Afrique de l’Ouest dirigé par une junte.
« Ils sont arrivés à 4h du matin », alors que M. Sacko priait a raconté à l’AFP son épouse, Oumou Barry, visiblement émue.
« Ils ont tout fait pour entrer, sans pouvoir ouvrir la porte. Ils ont défoncé le plafond pour rentrer.(…) On l’a giflé et jeté par terre. On l’a attaché et emporté », a-t-elle poursuivi.
« Ils étaient tous encagoulés. Ils portaient des pantalons en treillis militaire avec des body (t-shirts) noirs, des masques noirs. Ils ont pris les téléphones de mon mari. Ils avaient des pistolets et des fusils », a décrit l’épouse de l’opposant.
Guinée: un opposant condamné à deux ans de prison ferme pour « offense au chef » de la junte
A son domicile, les traces de l’effraction par le plafond étaient encore visibles a constaté un journaliste de l’AFP.
Dans un communiqué, les Forces vives de Guinée ont condamné « avec la plus grande fermeté la violence et la terreur qui ont marqué cet enlèvement » et ont dénoncé « la folie liberticide qui s’est emparée de la junte ».
« Il faut exclure toute hypothèse de banditisme », a déclaré l’avocat de l’opposant, Me Almamy Samory Traoré. « N’ayant pas pu passer par la porte, ils ont perforé le plafond, c’est là qu’ils l’ont interpellé ».
« Nous on s’attendait à ça. Notre client recevait des menaces régulièrement (…) Nous allons nous rendre dans les différents services de gendarmerie, de police, où nous espérons le retrouver dans les prochains jours. Il ne faut pas que la liste des disparitions forcées s’allonge », a ajouté l’avocat qui a annoncé avoir signalé l’événement au procureur de Dixinn.
« Nous dénonçons cet enlèvement et nous exigeons sa libération inconditionnelle », a réagi Biro Barry, cadre du Forum des forces sociales et proche collaborateur de M. Sacko.
« S’il y a quelque chose qu’on lui reproche, qu’on lui dépose une convocation en bonne et due forme. En tant que citoyen, il est obligé de répondre. Mais ce genre d’enlèvement, il faut arrêter » cela, s’est insurgé M. Barry.
L’opposant avait déjà été interpellé le 11 mars 2023 et relâché le même jour, pour son implication dans l’organisation de manifestations interdites.
« C’est avec beaucoup d’indignation mais sans surprise que nous avons appris cet autre enlèvement d’une des rares voix critiques de la société civile présente encore sur le terrain », a réagi Alseny Sall de l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH).
La junte du général Mamadi Doumbouya, arrivée au pouvoir par un coup d’Etat en 2021, est régulièrement accusée de réprimer la liberté d’expression et de faire taire des figures de l’opposition.
Deux opposants qui réclament un retour des civils au pouvoir, Oumar Sylla, alias Foniké Menguè, et Mamadou Billo Bah, sont portés disparus depuis juillet 2024.
Un autre opposant, Aliou Bah, a été condamné en janvier à deux ans de prison ferme pour « offense et diffamation » à l’encontre du général Mamadi Doumbouya.
Des manifestations réclamant le départ des militaires sont régulièrement interdites et plusieurs médias ont été fermés dans le pays.
Source: Agence France-Presse