Mardi soir, le ciel d’Ankara s’est refermé sur un drame. La mort du général Al‑Haddad, chef d’état-major libyen, et de quatre de ses conseillers est survenue lorsque leur avion a sombré dans la nuit peu après le décollage. Une panne électrique brutale a interrompu le vol et décapité en un instant la hiérarchie militaire du pays.
Ce crash n’est pas seulement une tragédie aérienne : il marque une rupture symbolique, une chute du pouvoir en plein vol. La Libye, déjà fragile, se retrouve soudain privée de son centre de gravité, projetée dans l’incertitude et la tempête.
La Libye s’est figée mardi soir dans le deuil. Sur Facebook, le Premier ministre libyen Abdelhamid Dbeibah a confirmé la mort du général Mohamed Al-Haddad, chef d’état-major de l’armée. Il a exprimé sa tristesse et son affliction. Cette disparition brutale prive la Libye de son commandement militaire et ouvre une période d’incertitude.
Selon Burhanettin Duran, directeur de la communication de la présidence turque, l’avion transportait huit personnes : cinq responsables militaires libyens et trois membres d’équipage. Seize minutes après son décollage, il a signalé une urgence électrique au contrôle aérien et demandé un atterrissage d’urgence.
– La Libye perd ses repères –
« L’avion avait entamé sa descente pour un atterrissage d’urgence. Il a disparu des radars. Aucun contact n’a été établi depuis », a précisé Burhanettin Duran.
En fin de soirée, le ministre turc de l’Intérieur, Ali Yerlikaya, a annoncé la découverte de l’épave du Falcon‑50, retrouvée à une cinquantaine de kilomètres au sud‑est d’Ankara.
Le contact a été perdu à 20 h 52 (17 h 52 GMT), soit quarante minutes après le décollage. L’appareil, un Falcon 50 immatriculé 9H‑DFJ, avait quitté l’aéroport d’Ankara Esenboga à 20 h 10 pour Tripoli, a-t-il indiqué sur X.
Il a déclaré que les autorités ont reçu une demande d’atterrissage d’urgence près de Haymana, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest d’Ankara.
En direct sur la chaîne Libya al-Ahrar, le ministre Walid Ellafi a dressé la liste des victimes. Aux côtés du général Mohammed Ahmed Al-Haddad figuraient son conseiller Mohammed Al-Assawi, les généraux de division Al-Fitouri Ghraibil et Mohammed Jumaa, ainsi que leur accompagnateur Mohammed Al-Mahjoub.
Cette énumération, solennelle, résonne comme une litanie funèbre : chaque nom arraché à la nuit incarne une perte stratégique, une voix réduite au silence. Ensemble, ils dessinent l’image d’un commandement décapité, symbole d’une nation privée de ses repères au cœur de la tempête.
Le parquet d’Ankara a ouvert une enquête sur l’accident, a annoncé le ministre turc de la Justice, Yilmaz Tunç.
Haymana est situé sur le plateau d’Anatolie, peu accidenté et peu boisé. Malgré la pluie, la météo nationale turque n’a pas fait état de perturbation particulière dans la zone.
– « Comme une bombe » –
Un habitant, Burhan Cicek, a rapporté avoir « entendu le bruit d’une énorme explosion. Comme une bombe », a-t-il confié au photographe de l’AFP.
Sur les lieux de l’accident, la présence de l’ambassadeur de Libye à Ankara a marqué la gravité du moment. Autour, le silence imposé : la presse, écartée dans un rayon d’un kilomètre, n’a pu franchir le cordon.
Cette distance forcée accentue l’impression d’un drame confisqué, d’une vérité tenue à l’écart, comme si l’événement lui-même se refermait sur ses propres ombres. L’image d’un site inaccessible devient symbole d’un pays dont les blessures se dévoilent à huis clos.
Des chaînes de télévision turques privées, ainsi que l’agence Anadolu, ont diffusé des images. On y voit le ciel s’illuminer sous l’effet d’une explosion, près du point où l’avion aurait envoyé son dernier signal.
Les télévisions ont montré les secours. À la lumière de leurs torches, ils fouillaient la nuit noire pour repérer les débris de l’appareil.
L’aéroport international d’Ankara, fermé en soirée, a rouvert. Le trafic aérien fonctionne désormais normalement, selon NTV.
Le chef d’état-major libyen s’était rendu mardi à Ankara pour une visite officielle à l’invitation de son homologue turc.
Mardi, il a été reçu par le ministre turc de la Défense et le chef d’état-major. Cette rencontre s’inscrit dans la série de visites régulières entre les responsables des deux pays.
– La Turquie, arbitre d’une Libye fracturée –
La Turquie est un allié majeur du gouvernement de Tripoli, reconnu par l’ONU. Depuis janvier 2020, elle s’engage à ses côtés, y compris militairement. Ankara fournit des drones de combat, des instructeurs et un soutien économique.
Depuis le renversement de Mouammar Kadhafi en 2011, la Libye n’a jamais retrouvé son équilibre. Le pays demeure fracturé, partagé entre deux pôles de pouvoir. À l’ouest, Tripoli abrite le gouvernement d’unité nationale conduit par Abdelhamid Dbeibah. À l’est, Benghazi s’érige en bastion du maréchal Khalifa Haftar et de ses fils.
Cette dualité dépasse les institutions. Elle traduit la fracture d’une nation, partagée entre deux pôles de pouvoir. La Libye reste incapable de se recomposer, enfermée dans un conflit qui prolonge son instabilité.
Ankara, qui avait soutenu Tripoli contre l’offensive du maréchal Haftar, s’est rapprochée ces derniers mois de Benghazi. En août, le chef du renseignement turc Ibrahim Kalin a rencontré Haftar. Quelques mois plus tôt, en avril, son fils Saddam Haftar avait été reçu dans la capitale turque.
Ankara a joué un rôle clé cet automne. Elle a facilité un accord entre Tripoli et la Force Radaa, un puissant groupe armé de l’ouest. Ce compromis a mis fin à des mois de tension autour de la capitale.
Source: Agence France-Presse
















