Leçons d’un coup d’État manqué : dimanche, le Bénin a vacillé. Le putsch, brutalement déjoué, a laissé plusieurs morts. Les autorités parlent d’un échec, mais certains instigateurs, toujours en fuite, entretiennent la menace. À Cotonou, la vie reprend pourtant son cours.
Pourtant, derrière cette apparente normalité, demeure la cicatrice d’un pays qui a frôlé le chaos. La capitale économique devient le symbole d’une résilience fragile, où chaque pas vers la routine cache la mémoire d’une nuit de rupture.
La tentative de putsch survient dans une Afrique de l’Ouest minée par l’instabilité politique depuis dix ans. Et la Cedeao a réagi vite. Le bloc régional a mobilisé des forces militaires pour soutenir Cotonou et briser l’assaut.
À l’issue d’un conseil des ministres extraordinaire, le gouvernement béninois a livré un compte rendu précis des évènements de dimanche. Et les autorités ont détaillé les faits, confirmant l’ampleur de la tentative de putsch.
Tôt dimanche matin, de violents affrontements ont éclaté à la résidence du président Patrice Talon. Les mutins ont affronté la garde républicaine. Et il y a eu des victimes de deux côtés. Le gouvernement n’a pas donné de chiffres.
Le gouvernement annonce la mort de l’épouse du général Bertin Bada. Elle a été mortellement blessée lors d’un autre assaut des putschistes, quelques heures avant l’attaque contre la résidence présidentielle.
– Renforts étrangers –
Les autorités de Cotonou décrivent un groupuscule de soldats mutins. Ils ont brièvement pris la télévision nationale. Et ensuite, ils se sont retranchés dans une base militaire à Togbin, au cœur d’un quartier résidentiel.
Pour éviter des affrontements à l’arme lourde et des victimes collatérales, des frappes ciblées ont été ordonnées. Et le Nigeria voisin a aidé le Bénin à les mener.
Le gouvernement précise : des troupes nigérianes ont repris la base dans la nuit de dimanche à lundi. Et des soldats ivoiriens ont rejoint Cotonou.
La solidarité régionale s’est exprimée dès les premières heures. Dimanche soir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a annoncé l’envoi de renforts militaires issus de quatre pays voisins.
Sans préciser le nombre d’hommes, l’organisation a voulu marquer sa détermination : soutenir le gouvernement et l’armée républicaine du Bénin, préserver l’ordre constitutionnel.
Et ce geste, au-delà de la logistique militaire, porte une valeur symbolique. Dans une Afrique de l’Ouest fragilisée par une succession de putschs, la mobilisation rapide de la Cedeao devient un signal politique fort : celui d’une région qui refuse de céder au vertige des coups d’État, et qui tente de réaffirmer, par la force, la primauté des institutions démocratiques.
Dimanche soir, le président Patrice Talon a affirmé que la situation était totalement sous contrôle. Et il a voulu rassurer, malgré les affrontements.
Ce n’est qu’au petit matin que les deux hauts gradés, Abou Issa et Faïzou Gomina, ont été libérés. Pris en otage par les mutins retranchés, ils ont retrouvé la liberté à Tchaourou, une ville située à plus de 350 km de Cotonou.
– « Tous libérés » –
Lundi, une source militaire a confirmé à l’AFP qu’aucun officier n’était plus retenu en otage : tous ont été libérés. Les putschistes, eux, ont pris la fuite, ce qu’a validé le gouvernement, alors que les opérations de ratissage se poursuivent.
Dimanche, des sources militaires ont annoncé l’arrestation d’une douzaine de mutins. Leur chef, le lieutenant-colonel Pascal Tigri, reste en fuite, selon une source proche du dossier.
Lundi, la capitale économique du Bénin est restée calme. La circulation y a repris normalement, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Les routes vers le domicile du président étaient bloquées. Des chars stationnaient le long du boulevard de la Marina, axe stratégique reliant le palais présidentiel, le port et plusieurs ministères.
Le coup d’État a suscité une condamnation immédiate. L’ONU, la France – ancienne puissance coloniale – et l’Union africaine ont dénoncé ces événements.
– L’héritage contesté de Patrice Talon –
Patrice Talon quittera le pouvoir en avril 2026, après deux mandats. À la tête du Bénin, petit pays côtier d’Afrique de l’Ouest, il aura gouverné dans un contexte marqué ces dernières années par des violences jihadistes au nord.
Salué pour le développement économique du Bénin, Patrice Talon est aussi accusé par ses détracteurs d’avoir imposé un virage autoritaire. Dans un pays autrefois reconnu pour le dynamisme de sa démocratie, la critique est récurrente.
Exclu du scrutin présidentiel, le principal parti d’opposition, Les Démocrates, rejette toute prise de pouvoir par les armes. Dans un communiqué, consulté lundi par l’AFP, il condamne avec la plus grande fermeté des actes jugés indignes du pays.
Un événement ignoble. Un drame. Et une leçon : les acteurs politiques doivent, une fois encore, privilégier le dialogue. C’est le message clair adressé par cette formation politique.
Patrice Talon a tranché : il faut tirer les leçons de ces événements. Et surtout, éviter qu’ils ne se répètent. Le président l’a martelé dans le communiqué du Conseil des ministres. Une mise en garde. Un rappel à l’ordre. Une promesse de vigilance.
Source: Agence France-Presse
















