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Dans Bamako sous blocus jihadiste, les habitants luttent au quotidien contre les pénuries de carburant

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Trans Afrique

Bamako sous blocus jihadiste : une capitale figée. Dans le quartier des affaires, les moteurs se taisent. Des files de véhicules immobiles serpentent le boulevard, comme une veine bloquée. Trois stations-service bordent la route, mais aucune ne distribue. Le carburant ne vient plus. Le blocus imposé par les jihadistes étrangle la ville, lentement. Et dans cette immobilité forcée, c’est le quotidien qui vacille, la pénurie qui s’enracine.

Karim Coulibaly n’a pas bougé depuis trois jours. Deux nuits passées sur place, à attendre. Chauffeur de bus, il est à l’arrêt. Pas de carburant, pas de travail. Il parle de chômage. Il parle d’épuisement.

Un seul camion en trois jours. Le carburant a disparu en une heure. Les forces de l’ordre surveillaient la file. La junte reste en place, après deux coups d’État. Et Bamako attend, moteur coupé.

Partout à Bamako, le rationnement est strict. 10 000 francs CFA. Pas plus. Treize litres d’essence, puis plus rien. La file avance, le compteur recule. Et la pénurie s’installe.

Le carburant change de visage. À la pompe, il s’affiche à 725 francs CFA. Mais dans les ruelles, sous les regards pressés, il se négocie à 2 000. Le litre devient un luxe, le moteur devient un pari. Les habitants racontent une économie parallèle, née du manque. Et dans cette flambée silencieuse, c’est la loi du marché noir qui gouverne les trajets.

« On n’a pas le choix. C’est à prendre ou à laisser », souffle un consommateur ayant souhaité conserver l’anonymat.

Depuis septembre, les attaques ciblent les camions-citernes. Le JNIM, affilié à Al-Qaïda, frappe les convois. Le carburant venu du Sénégal ou de la Côte d’Ivoire n’arrive plus. Le Mali est coupé. Les biens ne passent plus. Le blocus s’installe.

– Habitants au chômage forcé –

Le blocus n’est pas un hasard. Le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM) le présente comme une vengeance. En interdisant la vente de carburant hors des stations, les autorités ont voulu tarir les jerricanes rurales.

Ces jerricanes, acheminées loin des villes, alimentaient aussi les groupes armés. La mesure visait à assécher leurs moyens. Mais en retour, c’est tout un pays qui se retrouve pris dans l’étau. Le carburant devient un enjeu stratégique. Et chaque litre, un champ de bataille.

Les convois sont escortés. Mais les attaques continuent. Des camions ont été incendiés. Des chauffeurs et des soldats tués ou enlevés. Les embuscades jihadistes frappent sans relâche.

L’ambassade américaine tire la sonnette d’alarme. Elle demande à ses ressortissants de quitter Bamako. Immédiatement. La situation sécuritaire est jugée imprévisible. Le signal est clair : le danger est là.

Dans la foulée, l’Italie et l’Allemagne ont également demandé mercredi à leurs ressortissants de quitter le pays.

Alors que le blocus se fait ressentir depuis deux semaines dans la capitale, l’économie du pays sahélien enclavé tourne au ralenti.

« Cela fait une semaine que je ne vais plus au travail », explique Oumar Diallo, un fonctionnaire dans la file d’attente longue d’un kilomètre.

La pénurie exacerbe également les coupures d’électricité récurrentes qui plombent l’économie malienne depuis cinq ans, l’énergie du pays étant essentiellement thermique.

– Pénurie d’électricité –

De 19 heures par jour, la fourniture d’électricité a été ramenée à six heures par Énergie du Mali (EDM).

Mamadou Coulibaly, un électricien de 23 ans, n’a pas pu travailler depuis une semaine, étant injoignable car son téléphone et ses batteries externes sont déchargés.

Chez son dernier client, il a dû attendre des heures le courant – qui n’est jamais venu – pour localiser une panne électrique. Pour rentrer chez lui, il a dû pousser à pied sa moto sur vingt kilomètres. « Depuis, je suis là, sans argent, sans travail, sans moyen de déplacement… », peste-t-il.

La junte a annoncé dimanche soir la suspension des cours dans les écoles et les universités pour deux semaines à cause de cette pénurie.

En pleine période des récoltes, certains engins agricoles ne peuvent pas fonctionner faute de carburant dans le reste du pays.

« Habituellement, en cette période, les prix du riz et du mil baissent, parce que c’est la période des récoltes. Cette année, ce n’est pas le cas », déplore Ousmane Dao, 32 ans, vendeur de céréales au Marché rose de Bamako.

– Pénurie dans les échoppes –

Dans les épiceries aussi, la pénurie de carburant impacte les stocks alimentaires. « On commence à manquer de spaghettis, de macaronis et de yaourts pourtant fabriqués ici. Les fournisseurs n’ont pas les moyens d’en fabriquer, faute d’électricité », constate Hamidou Maïga dans son échoppe bamakoise.

La junte est demeurée jusqu’ici silencieuse sur la situation.

Face à l’urgence, les Bamakois tentent de trouver des solutions alternatives. Les plus fortunés investissent dans des panneaux solaires pour se fournir en électricité.

Comme de nombreux jeunes à moto, Chaka Doumbia, mécanicien de 22 ans, mise désormais sur la débrouille: « Je mélange du solvant pour diluer la peinture avec de l’alcool. Avec ça, on a de quoi faire marcher son moteur ». Au risque, si le mélange est mal dosé, d’enflammer sa machine.

Source: Agence France-Presse

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